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Avis d'expert

Communiquer juste ou juste communiquer ?

Emmanuel Macron a tenté de dépoussiérer la communication présidentielle en ciblant les plus jeunes sur Youtube. Mais ce coup de com’ a-t-il eu l’impact espéré ?



Par David Benguigui, Social Media and Content Management Director chez ‎Prodware



Passage obligé de la plupart des présidents de la Vème République soucieux de leur communication politique : l’épreuve du dépoussiérage, un exercice de style à l’attention de la jeunesse française, reprenant ses codes, sa culture, son langage, pour se montrer tendance.

On pense à Valéry Giscard d’Estaing s’invitant au réveillon d’une famille en décembre 1975, à François Mitterrand parlant le verlan aux côtés d’Yves Mourousi en 1985 ou, plus récemment, à Emmanuel Macron, le plus jeune président de la République française. 

Plus d’un mois après la publication de la vidéo qui a agité la Toile, prenons du recul et tâchons d’en tirer une leçon non pas politique mais communicationnelle. Cette prise de parole inédite revient en effet à se poser la question suivante : faut-il communiquer juste ou juste communiquer ?


Le paradoxe d’une communication juste


Avec près de 7,6 millions de vues en une journée, la vidéo publiée sur le compte des youtubeurs McFly et Carlito a cumulé près de 15 millions de vues.

D’après un sondage réalisé pour LCI une semaine après, 79% des français interrogés avaient entendu parler de cette vidéo – une exposition rêvée pour les deux youtubeurs pourtant pas en mal de notoriété (plus de 6,7 millions d’abonnés) et une stratégie de communication parfois contestée pour un président en quête de popularité (37% d’avis favorables). 

Avec cette vidéo, Emmanuel Macron intègre une nouvelle sphère du panorama médiatique français : celle du divertissement.

En se détachant sciemment de tout sujet politique, d’autant que ce n’est clairement pas le terrain de prédilection des deux intervieweurs, le président opère une sorte de Rendez-vous en Terre Inconnue. Il se montre ainsi sous un nouveau jour : plus spontané, détendu et moderne, malgré le cadre académique, protocolaire, et tout en dorures de l’Elysée.

Au menu des réjouissances : sport, musique, divertissement, mise en avant de la pop culture française, mais aucune question d’Etat. Cette absence de message politique est-elle un faux-pas politique, une erreur médiatique ?

Dans Le Devoir d’Influence, Nicolas Narcisse écrit :

“de même que trop d’impôt tue l’impôt, trop de com’ tue la com’ (…) la communication n’est pas une addition de formules magiques, de pratiques rodées. La communication est un métier sensible, un métier où l’on doit sentir les choses, comprendre et être en empathie avec le monde qui entoure l’objet de la communication”.



L’objectif d’Emmanuel Macron  était peut-être de montrer que l’homme politique est avant tout un homme ? 

Dans quelle mesure cette absence de message politique peut-elle cependant être considérée comme une faute, dès lors qu’il s’agit d’une prise de parole présidentielle ?

Si l’on s’en réfère  à la fameuse phrase du philosophe des médias Marshall McLuhan, après tout,  “le message, c’est le médium”.


Juste communiquer : l’essence même des réseaux sociaux 


Avec l’avènement des réseaux sociaux, notre ère communicationnelle a connu un changement de paradigme. Bien souvent, il s’agit de communiquer coûte que coûte.

Cette course à l’armement est d’ailleurs théorisée dans l’ouvrage de Guillaume Debré, Je tweet donc je suis, qui analyse la stratégie de communication de Donald Trump au moment  de sa présidence :

“Il est devenu l’essence de sa présidence, son identité propre. Ses tweets sont à la fois sa doctrine et son programme, sa philosophie, son logiciel et son projet politique”. 


Si les réseaux sociaux ont permis d’humaniser les marques en leur permettant notamment d’échanger directement avec leurs consommateurs, elles ont aussi permis aux individus (hommes politiques, artistes, influenceurs…) de se brander.

Si l’on revient au happening du président Macron sur la chaîne des deux youtubeurs, cette stratégie de branding s’appelle une “activation”.

Autrement dit, la mise en place d’un partenariat avec pour objectif de toucher l’audience la plus large possible et de multiplier les possibilités de réaction et d’interaction avec le public visé.

Une telle démarche permet aussi un partage des “bénéfices” : McFly et Carlito ont gagné en légitimité, quant au  Président,  il s’est montré jeune, branché et connecté – ce qui en soit, est un message politique. 

Les réseaux sociaux nous ont donc permis d’entrer dans une nouvelle ère communicationnelle : celle du buzz.

Qu’importe la nature du message que l’on cherche à faire passer, ce qui compte, ce sont ses retombées #breaktheinternet.

De là à penser que l’évolution du pouvoir de l’influence digitale se dresse contre le progrès et l’élévation du débat public et politique, il n’y a qu’un pas allègrement franchi par Christian Salmon. 

Dans son article  “La Tyrannie des Bouffons : le Roi est mort, vive le clown”, il écrit notamment :

“le triomphe de l’art de raconter des histoires, mis au service des acteurs politiques, aura entraîné, de manière fulgurante, le discrédit de la parole publique. Désormais, viralité et rivalité vont de pair, virulence et violence, clash et guerre des récits.”




En définitive, cette prise de parole a-t-elle été utile ? A-t-elle donné envie à la cible visée – les jeunes électeurs – de s’intéresser, voire de s’engager, en politique ? A-t-elle permis à l’actuel Président de remonter sa cote de popularité, de prendre date pour les échéances présidentielles de 2022 ?

Si l’on s’en tient aux élections régionales et au record d’abstentions, en particulier chez les jeunes, rien n’est moins sûr. Néanmoins, avec près de 75 000 commentaires et 1,5 millions réactions, elle aura fait réagir. 

Comme disait le journaliste Léon Zitrone, “qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel est que l’on parle de moi !”. 





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