A l’heure des algorithmes et de l’IA, les marketeurs ont peut-être paradoxalement plus besoin que jamais de se tromper et de « rechercher » l’erreur pour mieux atteindre les consommateurs d’aujourdhui…
Une tribune de Stéphane Amarsy, CEO de D-AIM
A quoi ressemblera le marketing de demain ? Difficile de l’imaginer, encore plus dans un contexte de grande complexité issue des technologies et du digital. S’il était linéaire, stable et contrôlable, il est aujourd’hui devenu non linéaire, instable, mais plus prédictible et totalement mesurable.
Il s’avère que la compréhension que les entreprises ont de leurs consommateurs a évolué. L’irrationalité du consommateur est aujourd’hui reconnue et paradoxalement, cela n’empêche nullement d’anticiper ses décisions.
Seule condition : considérer chaque consommateur comme une entité particulière et adopter des techniques idoines (mathématiques, neuroscience, …) qui ouvrent la voie de l’omnicanalité et l’hyper personnalisation.
La spontanéité tend à disparaître
« Liberté de choisir » un concept cher à beaucoup d’entre nous. Il est remis en cause par deux phénomènes concomitants : la profusion des possibilités et une temporalité courte.
Les algorithmes guident nos choix plus ou moins consciemment. Est-ce de la paresse que de les suivre ? Il s’agit plutôt d’une optimisation du triptyque temps/plaisir/proximité.
Là encore, la facilité avec laquelle nous acceptons cette « aide » virtuelle est remarquable. Et nous ne sommes qu’au début de cette histoire qui changera profondément nos rapports aux autres et notre appréhension du conseil.
Il existe toutefois un défaut originel dans toutes ces approches : la « bulle ».
Plus j’apprends de mon consommateur, plus je le connais, plus je lui propose des expériences en relation avec ces goûts/envies/comportements constatés et prédits qui, in fine, ne font que l’enfermer progressivement dans cette bulle, lui interdisant parfois de vivre une expérience alternative.
Pour illustrer ce phénomène, tous les utilisateurs de musique ou films à la demande ont pu constater que les moteurs de recommandations recommandent du contenu en adéquation avec leurs goûts mais en aucune façon l’ensemble de ce qu’ils aiment.
De la même manière sur les médias sociaux, vous ne verrez que des contenus proches de votre « bulle » de préférence.
Au travers de ces exemples, il est clair que celle-ci peut être définie comme étant le cœur de vos goûts/préoccupations/habitudes/…
Ces approches se généralisent y compris sur les services de rencontre où finalement, les « matching » se suivent, se ressemblent et sont (toujours plus) prévisibles.
Avec ces applications, la spontanéité tend à disparaître. Le risque de passer des heures à regarder des profils pour dénombrer les choses en commun, est que les rencontres deviennent presque comme des expériences scientifiques.
Forcément, le résultat peut être … un peu ennuyeux : « nous avions tant de choses en commun que nous n’avions plus rien à nous dire. » [1].
Osez les erreurs !
L’usage de ces approches est efficace sur un temps court car certes il offre une expérience plus personnalisée à chaque consommateur, mais conduira inéluctablement à l’enfermer dans une bulle de consommation alors qu’il est de plus en plus changeant et zappeur.
Afin de pérenniser l’efficacité de ces approches, il est fondamental de se tromper ; autrement dit de favoriser des expériences non pertinentes au regard du comportement du consommateur.
Cette génération « d’erreurs » ne doit rien avoir d’aléatoire, elle doit être crée de façon réfléchie afin de garantir une mesure efficace, permettant d’identifier de nouveaux besoins du point de vue du consommateur, mais également de la matière (données) pour permettre aux algorithmes d’apprendre.
Un joli pied de nez à l’Intelligence Artificielle telle qu’elle est perçue aujourd’hui.
L’Intelligence Artificielle, à l’instar de nos sociétés, cherche le zéro risque. C’est absurde, sauf si nous acceptons, de fait, un appauvrissement de l’expérience et des connaissances.
L’erreur est une chance et est une source de pérennité de l’efficacité opérationnelle, il faut juste savoir l’utiliser intelligemment et libérer sa créativité…
[1] Dan Clay