Depuis le début de la crise sanitaire, nous essayons tous de comprendre et d’anticiper son impact sur les usages et comportements, notamment face à l’économie, au commerce, aux marques et aux entreprises.
De multiple études sont sorties, riches de chiffres et d’enseignements.
La spécificité de l’étude «Ça va durer ou pas?» est qu’elle ne demande pas aux gens ce qu’ils pensent ou ce qu’ils pensent faire, mais comment ils jugent que notre société va réagir ou évoluer.
Cette approche est l’héritage de recherches sur la bénévolence menées depuis 5 ans qui mènent à considérer que le principal écart entre l’intention et le passage à l’acte est lié à ce qu’on «pense que les autres vont faire, ou pas».
Cette approche simple a été synthétisée dans une question binaire «ça va durer / ça va pas durer» qui a été appliquée à des sujets tels que:
- le choix des produits,
- le rapport au prix,
- la fréquentation des commerces,
- la digitalisation des parcours d’achat,
- ou bien encore la réaction face aux engagements des entreprises.
Ce sont en tout 16 questions qui ont été posées à 2000 personnes, juste à la sortie du confinement et à nouveau fin août au retour des vacances.
Post-confinement : des envies de changements qui se heurtent à la réalité
La mise en place du confinement a été un véritable choc pour beaucoup et a naturellement entraîné de nombreux changements et certains espoirs pour le fameux « monde d’après ».
Voici 5 enseignements tirés fin mai, à la sortie de cette période:
#1 – Une accélération, pas de révolution
Si la crise accélère les évolutions de consommation observées plus qu’elle ne les change, c’est que chacun voit dans cette période un révélateur et une confirmation de son propre mode de consommation et de pensée.
#2 – Le moins et peut être le mieux
Si l’idée d’une société qui consomme moins s’installe, celle d’une société qui consomme mieux est fortement challengée par l’anticipation de la crise économique qui engendre une forte tension sur l’image prix.
#3 – La distanciation digitale
L’idée d’une France coupée en deux avec d’un côté des familles plutôt aisées qui appliquent télétravail et achats en ligne dans un même élan et des populations plus modestes qui doivent retourner au travail et retourner en magasin.
#4 – L’innovation asphyxiée
Si le début du confinement a été l’occasion d’achat de nouveaux produits, la sortie du confinement s’inscrit dans une certaine réserve des consommateurs qui rationnalisent leurs courses (moins d’enseignes, uniquement des produits connus, un suivi de la liste de courses établie) au point de générer une inquiétude légitime pour les nouvelles marques / gammes ou produits.
#5 – L’envie de tourner la page
Fin mai, les consommateurs envisageaient une société prête à tourner la page des excès de précautions en magasins, de bonnes intentions en TV, de relâchement de la relation client…
Le panel de sondés, comme la plupart des français, n’avait pas du tout anticipé la suite…
Le « Monde du pendant » ou les désillusions de la rentrée
S’il ne fallait retenir qu’un seul élément de cette nouvelle vague d’étude menée fin août, c’est une prise de conscience forte du «monde du pendant».
En effet, si la pensée commune était structurée entre monde d’avant et monde d’après (la crise étant un instant pivot), nous ressentons collectivement l’émergence d’un temps plus long que prévu, celui du pendant.
Conséquence immédiate d’une épidémie qui semble partie pour s’installer sur une durée indéterminée, les usages et attitudes perdurent également.
Une parenthèse de plus de 8 mois n’est plus une parenthèse, surtout lorsqu’on n’en voit pas le bout.
Non seulement ce monde du pendant commence à afficher ses propres usages et attitudes, mais on ressent qu’il va durer suffisamment longtemps pour fixer certaines habitudes au-delà même de la crise sanitaire.
#1 – Une tendance à « dé-consommer »
Les inquiétudes économiques augmentent face à une crise sanitaire qui s’installe durablement.
Les répondants se projettent de plus en plus sur une société qui dé-consomme certaines catégories.
Acheter moins et mieux en se concentrant sur ce qui compte vraiment augmente de 10 points à 61%.
La tendance à une certaine forme de déconsommation des biens non essentiels s’accentue et se généralise au sein des différentes CSP et tranches d’âge.
#2 – L’ancrage du Digital
L’augmentation du digital dans les actes d’achat (online, préparation ou drive) observée pendant le confinement perdure et semble pouvoir se pérenniser au regard de la durée de la crise sanitaire, particulièrement chez les 35/49 et CSP +.
« Aller le moins possible en magasin et préférer le online » gagne 5 points à 55% (60% chez les 35/49)et « éviter tout contact avec les gens et les produits » gagne 4 points à 47%.
La digitalisation des parcours se confirme et se renforce sur l’ensemble des segments, à part les seniors.
#3 – L’optimisation des achats
L’automatisation des courses se confirme et présente un challenge durable pour les nouveaux produits et nouvelles marques, notamment sur les familles et les forts pouvoirs d’achats
Passer le moins de temps possible en magasins gagne 4 points à 53% (58M chez les 35/49). Grouper les achats pour limiter le nombre de magasins gagne 5 points à 59%.
Acheter toujours les mêmes produits pour passer moins de temps gagne également 6 points à 51%.
#4 – Le retour de l’engagement
L’engagement des entreprises, la notion de responsabilité qui avaient souffert d’une sorte d’overdose post confinement repartent à la hausse, notamment sur la tranche 35/49 et des familles, souvent plus sensible que la moyenne à l’importance de ces critères.
Les 35/49 sont les plus sensibles à l’attention portée aux collaborateurs et à l’engagement responsable des entreprises (+ 5 points vs la moyenne).
Les gens retrouvent leur appétence pour la responsabilité et commencent à intégrer la période particulière à leur logique plus globale.
#5 – Le temps long
En synthèse cette 2eme vague montre que la posture des gens évolue : ils passent progressivement d’une crise vécue comme une parenthèse qui va prendre fin (dans la vague 1, ils anticipaient cette fin) à un nouvel état qui pourrait durer sans qu’on sache vraiment combien de temps.
En conclusion, le fait que «Ça va durer» s’applique d’abord à la crise sanitaire donne le sentiment que tout ce qu’elle a amené et accéléré comme changement dans la consommation va durer aussi…