Avec l’avènement d’Internet, la communication est passée d’un modèle de masse « 1-to-many » à une approche plus ciblée « 1-to-few », grâce à une segmentation fine des audiences.
L’ère du « spray and pray » est désormais révolue. Aujourd’hui, l’IA et l’analyse des données, permettent une véritable communication « 1-to-1 », plus personnalisée, essentielle pour des échanges fluides et un engagement client optimisé.
Que ce soit à travers des recommandations d’achat ou des suggestions de contenu, le consommateur évolue dans un environnement où l’offre lui est hyper-ciblée.
Cependant, cette personnalisation accrue doit être maniée avec précaution.
Une hyperpersonnalisation mal menée peut créer un malaise, rappelant le concept psychologique de « vallée de l’étrange », où le consommateur peut avoir l’impression d’être observé ou manipulé.
Il est donc crucial de respecter les limites, notamment en ce qui concerne la vie privée et le consentement des consommateurs.
Une personnalisation mal maîtrisée, bien que bien intentionnée, peut déshumaniser l’échange et réduire le consommateur à un simple ensemble de données. Cela pourrait détourner l’expérience de son objectif initial et nuire à la confiance, ce qui affaiblirait la relation client…
Par Philippe Peter, Directeur, Spécialiste IA chez Sprinklr
L’hyperpersonnalisation comme carte maîtresse de l’expérience client ?
L’hyperpersonnalisation optimise chaque interaction tout au long du parcours d’achat, renforçant ainsi significativement l’expérience client.
60 % des consommateurs sont plus susceptibles de devenir des acheteurs réguliers après une expérience personnalisée. Grâce à l’IA, les entreprises peuvent traiter un volume important de données complexes et non structurées en temps réel.
Prenons l’exemple d’Amazon, qui élabore des recommandations en se basant sur un historique des achats.
Mais l’analyse prédictive va désormais plus loin et dépasse les recommandations commerciales.
Côté service client, elle permet de produire des réponses moins génériques, plus qualitatives, pertinentes et contextualisées, notamment par le biais de l’analyse des sentiments (avis, ton des messages…).
Elle permet de connaître les intentions sous-jacentes des consommateurs et de proposer des solutions adaptées, au premier appel, sans multiplier les interlocuteurs. Elle ménage également les relations humaines en aidant les agents à produire les meilleures réponses possibles lors des interactions clients tout en allant droit au but.
Prenons l’exemple des chatbots des applications de santé mentale qui proposent un accompagnement sur mesure en fournissant des conseils sur le bien-être ou la gestion du stress, grâce à la reconnaissance des intentions.
L’IA apporte ici une réelle valeur ajoutée en améliorant l’accessibilité, la précision et la réactivité du service, primordiaux dans un secteur ou la diplomatie et la sensibilité sont de mise.
Des enjeux éthiques à ne pas sous-estimer
L’hyper personnalisation n’est possible qu’avec le recueil et l’exploitation des données. Or, dans un contexte marqué par l’augmentation des cyberattaques en France, protéger les données de son entreprise et celles de ses clients devient une priorité absolue.
69 % des consommateurs français privilégient les entreprises qui mettent l’accent sur la protection des données numériques.
Afin d’entretenir ce partage et cette confiance, il est nécessaire de garantir une parfaite conformité aux législations en vigueur telles que le RGPD, la loi sur la confiance de l’économie numérique (LCEN) ou encore le Data Act.
L’éthique doit aussi guider l’approche commerciale. N’oublions pas que si l’analyse prédictive est précieuse, le libre arbitre reste indéniable.
Il est donc nécessaire de ne pas restreindre l’utilisateur à un cadre trop rigide et de le laisser explorer de nouveaux services sans se sentir enfermé dans un schéma prédéfini potentiellement frustrant.
Vers une hyperpersonnalisation plus responsable
Une collecte axée sur la responsabilité est la clé d’une hyperpersonnalisation réussie. En ce sens, il est primordial d’informer clairement le client de l’usage de leurs données et de leur finalité tout en limitant le suivi à l’essentiel.
Toujours dans un souci de transparence, il faut privilégier les demandes explicites de consentement et assurer l’anonymisation des données, en particulier dans les secteurs sensibles comme celui de la finance.
Mais demander et informer ne suffit plus, il faut replacer le consommateur au centre des informations qui lui appartiennent. Ainsi, il faut mettre à disposition des plateformes en ligne permettant de paramétrer leurs préférences et de modifier ou supprimer leurs permissions facilement et à tout moment.
La désignation d’un DPO (Data Protection Officer) ou délégué à la protection des données au sein de l’entreprise est également un acte parlant d’une entreprise en faveur d’une gestion responsable des données.
Tout comme la formation des équipes marketing et du service client aux bonnes pratiques, la planification des certifications en interne pour former les employés, et la création de comités d’éthique ou RSE sont autant d’initiatives qui témoignent du fort engagement des entreprises dans le respect du consommateur.
Enfin, une charte éthique de l’IA permet de garder des pratiques centrées sur l’utilisateur tout en respectant ses limites et corrigeant les biais algorithmiques pouvant engendrer des discriminations involontaires.
L’hyperpersonnalisation représente aujourd’hui un levier stratégique incontournable pour offrir une expérience client optimisée, mais elle ne peut être efficace que si elle respecte un équilibre subtil entre pertinence et éthique.
À mesure que l’intelligence artificielle et l’analyse de données progressent, notamment avec l’IA agentique qui permet une autonomie certaine de la technologie, les marques doivent redoubler de vigilance pour conserver la confiance des consommateurs.
Transparence, consentement et contrôle à l’utilisateur doivent guider les innovations afin de favoriser des interactions enrichissantes et d’éviter des dérives potentielles.
Dans un contexte ou la régulation des données s’intensifie et où les attentes clients sont en perpétuelle évolution, les entreprises doivent se démarquer en maniant à la perfection une hyper personnalisation respectueuse de la vie privée.
L’IA a été créée pour soutenir l’humain, et il est primordial de l’utiliser comme tel et non comme un levier de contrôle démesuré…
