Les médias traditionnels sont confrontés à une nouvelle réalité. En 2017, le volume global de la publicité digitale dépassera celui de la télévision et cette dernière bascule sur des formats mobiles.
Tandis que les annonceurs repositionnent leur budget, le secteur doit s’adapter pour répondre aux exigences du consommateur connecté…
Une tribune de Pascal Malotti, Directeur Conseil et Marketing de Valtech
L’ampleur du changement fera le tri entre ceux qui réussiront ou échoueront dans cette adaptation. L’enjeu étant de comprendre et anticiper les attentes de cette génération Millennial qui communique avec le monde via son téléphone portable avant tout.
Cette cible, qui représentera 1/3 de la population active en 2020, possède ses codes propres, ses habitudes. Dépendante à Facebook et Snapchat, les réseaux sociaux sont souvent son premier canal réflexe d’information.
La nouvelle audience est totalement éloignée des médias traditionnels. Preuve en est, la moyenne d’âge de la plupart des chaînes de télévision dépasse maintenant 60 ans tandis que le temps passé devant la télévision des jeunes américains a chuté de près de 40% au cours des cinq dernières années. Obligeant tout un secteur économique à se remettre en question. Et à s’adresser davantage à une génération où nous sommes tous un peu photographe, caméraman et journaliste.
Facebook Live nous transforme tous en témoin du réel
Le service Facebook Live, mis en place par le réseau social à la fin de l’année 2015 ne cesse de repenser les codes de toute une profession. Les utilisateurs ont maintenant la possibilité de diffuser des vidéos en direct grâce à leur téléphone portable via la plateforme Facebook.
Le succès est tel que la fonctionnalité vient d’être déployée sur les ordinateurs portables (à condition d’avoir une webcam) depuis mars 2017. Ce succès s’explique par les motivations d’une génération Y qui ne perd pas de temps à attendre l’information qu’on veut bien lui montrer. Au contraire, elle veut en être l’acteur ou le témoin. Transparence et instantanéité sont désormais des prérequis indispensables.
Facebook Live permet donc à chacun de devenir « reporter d’un jour » et déboulonne les canaux d’informations du système actuel pour s’imposer comme un média à part entière. Nécessitant seulement son smartphone comme unique matériel, la fonctionnalité entraîne une profusion de contenus inédits filmés à travers le monde. Et il est maintenant utilisé par un nombre croissant de médias traditionnels pour abonder le contenu de leurs éditions.
En octobre 2016, le groupe de médias kurde Rudaw a même utilisé le service pour diffuser les images de la reprise de la ville de Mossoul en Irak alors aux mains de l’état islamique. Le premier conflit armé diffusé en direct grâce à Facebook Live.
La progression des technologies permet désormais cette instantanéité de l’information. Mais elle ne doit pas être un tout. Au risque d’être confronté de plus en plus régulièrement, à une information brute, non décryptée qui ne permet plus d’éveiller les consciences ou stimuler le débat.
Être ou ne pas être une plateforme de services : la clé du succès
Le smartphone est l’outil clé d’une génération désormais entièrement « mobile first ». Il est le canal d’accès entre le consommateur et le monde qui l’entoure. Musique, achat, cercle social et bien entendu information : tous les besoins de notre vie quotidienne passent par cet outil.
Inutile aujourd’hui de présenter Uber, vitrine planétaire de cette transformation digitale. Et dont l’objectif, bien au-delà du transport de personnes, repose sur la diversification de services proposés aux clients et regroupés en une même plateforme.
Les médias traditionnels partagent désormais le même combat…
Pour se développer au sein de notre société connectée, ils doivent adapter de nouveaux formats de contenus plébiscités (notamment la vidéo), hiérarchiser l’information selon les attentes (via les algorithmes) et s’adapter aux modes de vie de leurs audiences. Ce dernier point passe avant tout par l’ajout de services proposés aux lecteurs.
À travers l’émergence de nouveaux modèles économiques, on comprend la volonté partagée entre Uber et le Washington Post de nouer un partenariat. Les lecteurs du célèbre quotidien américain (détenu depuis 2013 par Jeff Bezos, PDG d’Amazon) peuvent relier leur compte Uber sur l’application smartphone du journal. Après la commande de leur véhicule, ils pourront suivre le temps restant jusqu’à leur destination sur la même interface tout en lisant leur article.
Pour aller au bout de cette stratégie, le Washington Post capitalise sur ce partenariat pour convertir une nouvelle audience. En effet, la connexion du compte Uber avec l’application du quotidien permettra d’avoir accès gratuitement pendant 30 jours à l’ensemble des contenus éditoriaux. Une première adaptation réussie aux nouveaux standards économiques pour l’un des plus anciens quotidiens au monde.
L’algorithme apprenti journaliste
L’importance significative qu’occupe progressivement la génération des Millennials dans la population active mondiale a renversé les normes en vigueur.
Le lecteur ou téléspectateur n’attend plus qu’on lui délivre une information toute faite. Il veut recevoir l’information au sujet de laquelle il souhaite s’informer ou qu’il a envie de commenter à tout moment. Et si possible qu’on anticipe ses besoins !
C’est tout le sens de l’apparition des algorithmes auprès des acteurs du secteur médiatique.
Suite à l’appel à projet développé par le fond d’investissement de Google visant l’innovation dans les médias, le quotidien suisse francophone Le Temps a fait partie de la deuxième salve des lauréats avec son projet dénommé Zombie.
L’objectif est simple : valoriser les meilleurs articles écrits par la rédaction tout en veillant à proposer une offre digitale pertinente en accord avec les sujets qui passionnent les lecteurs. Zombie, pour l’instant au stade du prototype, s’attache à repositionner les sujets « durables » au moment opportun. Il s’agit des articles dont la qualité a été appréciée par les lecteurs de l’application mobile du journal et qui pourraient être mis à nouveau en lumière dans le futur si l’actualité s’y prêtait. On parle ici d’articles biographiques ou historiques par exemple.
Concrètement, l’algorithme va évaluer dans un premier temps la pertinence de chaque article publié en ligne par le quotidien. Il utilisera notamment l’outil Google Analytics qui permet de suivre le temps de lecture, l’historique de l’audience et le niveau d’engagement sur les réseaux sociaux. Zombie aura la capacité d’enregistrer chaque mots clés importants contenus dans les articles (nom de personnalité ; événement…). En croisant l’ensemble de ces flux, Zombie pourra alors attribuer un score basé sur le niveau de pertinence.
Parallèlement, l’algorithme va capter les sujets d’actualité qui passionnent les lecteurs grâce aux outils Google Trends, Google News et les trending topics sur Twitter. Il va alors confronter les sujets qui remontent avec la base des données enregistrées pour proposer aux journalistes de la rédaction les meilleurs articles durables à exploiter de nouveau.
Il s’agit ici d’optimiser le travail de la rédaction, en proposant un contenu d’application mobile adapté aux attentes des lecteurs. Le community manager sera aussi bénéficiaire de l’algorithme dans l’animation au quotidien des réseaux sociaux…