Selon la seconde édition du baromètre « Les Français et le Big Data», réalisé par Elia Consulting et IPSOS, la majorité des Français se dit mal informés et méfiants quant à l’utilisation qui peut être faite de leurs données personnelles. Pourtant, malgré cette crainte, ils ne modifient toujours pas leurs comportements et restent peu prudents sur le web…
Elia Consulting publie les résultats de la seconde édition de son baromètre « Les Français et leurs données personnelles », réalisé avec IPSOS [1]. Après l’affaire Snowden en 2013, le droit à l’oubli consacré par la CJUE en 2014 et la loi française sur le renseignement adoptée en juin 2015, la question du traitement des données personnelles est plus que jamais d’actualité.
Le baromètre 2015 montre un renforcement des tendances observées dans la première édition publiée en 2013 :
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- La majorité des Français se dit mal informée de l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles,
- Malgré une méfiance diffuse, leurs usages restent inchangés et peu prudents,
- Les entreprises doivent faire un véritable effort de transparence et d’information sur la captation et l’exploitation des données clients, et définir leurs propres limites éthiques.
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Malgré cette méfiance diffuse, leurs usages restent inchangés et peu prudents
La seconde édition du baromètre révèle un décalage entre la méfiance grandissante des utilisateurs et leur inertie à modifier leur comportement, un phénomène qui s’est intensifié depuis 2013. Leur méfiance n’impacte pas leurs usages et c’est bien là tout le paradoxe : les Français renseignent fréquemment et en quantité leurs données personnelles, malgré leur opposition de principe à leur utilisation par les entreprises et la conscience des risques qui y sont associés.
74% déclarent partager régulièrement des données personnelles, ce qui s’explique souvent par la contrainte de fournir ses informations pour terminer un acte d’achat ou bénéficier d’un service (73% des Français renseignent leurs données personnelles pour terminer un acte d’achat).
Mais dans les faits, en comparaison avec 2013 les Français sont globalement moins enclins à autoriser l’utilisation de leurs données, même pour recevoir des avantages commerciaux : seule la moitié des Français dit accepter de donner leur adresse e-mail en vue d’une utilisation future par l’entreprise afin d’obtenir des avantages commerciaux. Cette part tombe à 40% pour les données d’identité (nom, âge, profession) et 30 % lorsqu’il s’agit de communiquer leur numéro de téléphone. Mais dans les faits. Ils ne sont que 18% à autoriser l’utilisation de leurs données de géolocalisation.
Alors qu’ils ont conscience de la captation de leurs données et se montrent clairement méfiants à l’égard de l’utilisation potentielle qu’en feraient les entreprises, les Français ne changent que peu leurs usages d’Internet : seul un internaute sur trois prend le temps de lire les conditions générales de vente ou de modifier les paramètres de sécurité de leurs réseaux sociaux et smartphones (33% dans les deux cas).
Des Français mal informés sur l’utilisation de leurs données personnelles
Les Français sont parfaitement conscients que leurs données personnelles peuvent être utilisées : 9 sur 10 (92%) pensent que les informations qu’ils renseignent peuvent être utilisées ou conservées pour un usage futur par le fournisseur de services.
Mais, dans la majorité des cas, les Français se sentent mal informés sur l’utilisation de ces données : à peine un Français sur deux estime être suffisamment informé de l’utilisation des données recueillies par les acteurs jugés les plus fiables, leur médecin (53%), leur banque (51%) ou l’administration (48%). Ils dénoncent encore plus fortement le manque d’information communiquée par les moteurs de recherche (18%), les sites d’avis (13%) et les réseaux sociaux (12%).
Concernant la bonne protection de leurs données, ils font plus volontiers confiance aux acteurs de proximité, avec lesquels ils entretiennent une relation personnelle. Même s’ils leur reprochent un manque d’information sur l’utilisation des données, la confiance l’emporte encore largement à l’égard de leur médecin (91%), leur banque (83%) et l’administration (79%).
Inversement, les grands acteurs du web, qui semblent manquer de transparence et de proximité, sont loin d’emporter la confiance les Français : les sites d’e-commerce sont ainsi victimes d’une forte chute de confiance (50%, -9 points par rapport à 2013), tout comme les moteurs de recherche (32%, -12 points). De même, les sites d’avis (28%) et les réseaux sociaux (12%) qui se retrouvent en queue de peloton.
[blockquote right= »pull-right » cite= »Pour Jean-Philippe Poisson, associé chez Elia Consulting, « ]« On observe que le degré de confiance des Français envers les acteurs qui recueillent leurs données personnelles est fortement corrélé à la proximité relationnelle et émotionnelle qu’ils ont avec eux. 78% d’entre eux ont même – toujours ou souvent – à l’esprit les risques potentiels liés à leur utilisation. Mais paradoxalement, leur conscience des risques encourus ne change pas ou peu leur comportement ».[/blockquote]
Une nécessité pour les entreprises de réfléchir à leur éthique pour se différencier
Se contenter d’appliquer la réglementation, auprès de Français qui ne perçoivent pas nécessairement les enjeux, n’est pas éthiquement suffisant pour les entreprises.
Elles se doivent d’être transparentes sur les données collectées et la finalité de leur utilisation, de faciliter la prise de connaissance et de rendre compréhensible l’information relative à l’exploitation qui est faite des données collectées. Elles doivent également informer le consommateur de ses droits concernant ses données personnelles (possibilité d’opt-out, de suppression de compte).
Les entreprises peuvent ainsi faire la différence auprès de leurs clients en étant d’une part pertinentes dans les sollicitations envoyées (87% des français considèrent la surexposition à la publicité comme le premier risque découlant de la communication de leurs données sur internet), et en proposant des informations et des services personnalisés aux consommateurs, tirant partie des données communiquées par les clients (27% des internautes renseignent leurs données personnelles pour recevoir des informations qui les intéressent et 26% pour recevoir des offres promotionnelles de commerçants).
[blockquote right= »pull-right » cite= »conclut Jean-Philippe Poisson. »]« Les entreprises ont là une opportunité de définir et communiquer leurs propres règles et limites éthiques de recueil et d’utilisation des données personnelles collectées auprès de leurs clients. Elles ne peuvent pas simplement « déléguer » la défense des données personnelles aux Français via un opt-in en réalité peu éclairé. Les bonnes pratiques seraient par exemple de déclarer précisément auprès des consommateurs les données collectées et l’objectif de leur exploitation ou de renouveler très périodiquement l’opt-in. La confiance est un important levier de préférence client »[/blockquote]
[1] L’enquête a été menée du 29 avril au 4 mai 2015 auprès de 1 049 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Méthode des quotas : sexe, âge, profession, catégorie d’agglomération et région.