Le Black Friday fait l’actualité et… la démonstration de la puissance d’Amazon qui l’a imposé à l’ensemble du commerce. Mais il ne s’agit que de la partie émergée de la stratégie d’asphyxie du géant de Seattle.
Le degré de létalité des leviers qui lui sont associés, l’envoi et le retour gratuits, sont si élevés qu’ils en sont devenus tabou pour la plupart des acteurs du e-commerce.
L’impact colossal du Black Friday doit être envisagé dans sa globalité.
Contrairement à ce que pensent nos politiques et bien des distributeurs, le Black Friday n’est pas uniquement une opération promotionnelle telle que les soldes. Et son report n’est qu’une micro-victoire à la Pyrrhus…
Le Black Friday est uniquement la partie la plus visible d’une stratégie d’asphyxie de la distribution menée par Amazon.
Car ce succès n’est pas seulement dû à une politique tarifaire agressive et surtout extrêmement bien orchestrée.
Elle est la conséquence, exacerbée, de la puissance financière et logistique de la pieuvre de Seattle. Et cela est bien plus inquiétant…
Si inquiétant que le sujet est devenu tabou pour les acteurs du e-Commerce.
Car Amazon ne fait pas seulement drastiquement baisser les marges commerciales de l’ensemble de la distribution en positionnant des soldes quelques semaines avant les périodes d’activité les plus fortes, ce qui est un non-sens commercial.
Les soldes sont faites pour destocker les invendus et non dynamiser des achats qui se seraient forcément réalisés.
Ce non-sens ne concerne pas Amazon car son objectif est de fragiliser – si ce n’est d’éliminer – la concurrence.
Le sujet tabou, celui qui explique le mieux le succès du Black Friday, réside dans le fait que, toujours sous la pression d’Amazon, l’expédition et le retour gratuit sont devenus les prérequis du e-commerce.
40% des vêtements achetés en e-commerce font l’objet d’un retour.
Le taux de retour est de 50% pour les chaussures, de 30% pour les accessoires de mode et les bijoux, de 22% pour la santé/beauté.
Le coût logistique est évidemment énorme. Le coût environnemental et sociétal l’est tout autant si ce n’est plus encore.
Amazon a « éduqué » le consommateur à exiger le retour gratuit.
79% des consommateurs en e-commerce veulent des retours gratuits. 40% passent commande d’un produit supplémentaire lors de leurs achats en ayant l’intention de le retourner.
48% des objets retournés ne sont pas remis en vente par le e-commerçant avec, bien sûr, des écarts-types très conséquents selon la catégorie de produits.
Le taux de retour s’accroît de près de 50% lors du Black Friday, avec des taux allant jusqu’à 60% !
Si une entreprise valorisée plus de 1000 Mds de $, avec une diversification réussie en tant que plateforme d’hébergement (AWS) et média publicitaire, peut se permettre de perdre de l’argent sur son activité de distribution, ce n’est absolument pas le cas des autres acteurs, y compris les pure-players du e-commerce.
C’est pour cela que le sujet des retours est devenu tabou : il est le levier de leur asphyxie. Son annonce ferait fuir tout investisseur potentiel.
Amazon fait plonger l’ensemble du secteur de la distribution avec un simple tuba alors qu’il est équipé d’une bouteille d’oxygène de plus de 1000 Md de $.
Et si cela ne suffisait pas à mettre ce secteur sur les genoux, la pieuvre de Seattle continue d’étendre son emprise avec l’annonce d’une livraison sous 30 minutes, avec un investissement de 800 M$, et le test, en cours depuis 2018, de la livraison d’office.
Ce sera alors la mort des « courses » et d’une partie du « shopping » tels que nous les connaissons.
Ce sera également la poursuite de l’une des pires vagues de perte d’emploi depuis la mécanisation de l’agriculture.
Le Black Friday : l’arbre qui cache la forêt…