Pouvant être perçue à court terme comme un acte de générosité de la part de Google à destination des e-commerçants, elle pose selon Fabernovel les premières briques d’une nouvelle stratégie pour le géant de Mountain View…
Par Nicolas Le Boëdec et Carl Gonnet , Senior Specialists chez Fabernovel
Un changement de cap pour Google : reculer pour mieux rebondir
En faisant une croix sur une portion importante de ses revenus, Google surprend le monde de la publicité en ligne et revient sur sa stratégie fondatrice pour probablement mieux rebondir.
Cette décision est une révolution puisque la majeure partie du chiffre d’affaires de Google provient de la publicité en ligne (85%), dont 60% du Search (Publicités Texte + Shopping).
Levier phare de Google, et pilier important de l’activité e-commerce de nombreux sites, Google Shopping permet de mettre en avant visuellement les produits de sites marchands adossés à la page des recherches lorsque l’internaute tape une requête orientée produit (par ex. « achat google chromecast« ).
C’est une vitrine jusqu’alors payante pour l’annonceur qui paie ce trafic intentionniste généré vers son site – ce qu’on appelle le « pay per click » ou PPC.
Une nouvelle d’autant plus surprenante alors que Google Shopping rencontrait un franc succès chez les annonceurs…
Avec un commerce physique fortement impacté par le COVID-19, et la plupart des français confinés chez eux, le e-commerce n’a jamais été aussi important pour de nombreux annonceurs au delà des produits de premières nécessités.
Plus souvent en ligne, les internautes français ont d’abord eu un comportement lèche-vitrine avec une hausse des clics sur Google Shopping au mois de mars, mais des ventes qui ne suivaient pas.
Ces comportements ont progressivement évolués passant en mars 2020 d’une flânerie coûteuse pour les annonceurs, à des taux de conversions qu’on observe habituellement plutôt lors des grands rendez-vous comme les soldes ou le black friday.
Chez les annonceurs que nous accompagnons, nous observons des chiffres d’affaires e-commerce multipliés par 2 ou 3 par rapport à la période pré-confinement, et des rendements nettement supérieurs sur Google Shopping.
De manière générale, les annonceurs semblent ne pas avoir hésité à rester, si ce n’est intensifier leurs investissements publicitaires sur Shopping pour bénéficier de ces rendements.
Google s’attaque frontalement au géant du e-commerce Amazon
Cette décision de rendre Google Shopping gratuit s’inscrit dans la volonté du géant américain de développer son activité de marketplace lancée en 2018 dont Joachim Renaudin, Analyste chez Fabernovel analysait déjà “comme la nouvelle guerre de la recherche” produit .
Google entend ainsi attirer les e-marchands dans ses filets, et proposer une large sélection de produit à ses clients.
Google vient s’attaquer frontalement à Amazon sur son territoire. A l’instar de l’entreprise de Jeff Bezos qui a développé ses solutions publicitaires ces dernières années, Google saisit ici l’opportunité de diversifier ses revenus en mettant un sérieux pied dans le e-commerce.
Cette décision a été accélérée dans le contexte de crise sanitaire déclenchée par l’épidémie du Covid-19.
Dans son communiqué officiel, Bill Ready, président Commerce chez Google, annonce que cette nouvelle sera effective “fin avril aux Etats-Unis, et d’ici la fin d’année pour le reste du monde” . Patience, donc, avant de voir cette offre arriver en France.
Google va changer la donne pour les e-commerçants et leurs clients
Google pourrait ici aussi s’inspirer des “recettes” d’Amazon en nourrissant un cercle vertueux entre offre et demande :
- Cette nouvelle version de Google Shopping devrait attirer de nouveaux e-commerçants, proposant ainsi aux consommateurs une sélection plus large de produits. La multiplication des offres de sites marchands ainsi que la baisse des investissements publicitaires, rendus gratuits sur Google Shopping, pourraient tirer les prix vers le bas – profitant ainsi aux consommateurs.
- Pour les e-commerçants, c’est aussi la promesse de nouveaux chantiers. Il faudra redoubler d’effort sur la qualité des fiches produit afin d’émerger naturellement dans les premières positions – rejoignant ici directement le SEO.
- Les budgets économisés serviront ainsi peut-être à financer une place dans l’encart publicitaire premium dont les prix devraient augmenter fortement avec cette nouvelle dichotomie payant / gratuit. On peut néanmoins se demander si les économies réalisées par les annonceurs sur leur budget marketing ne seront pas déplacés sur d’autres leviers marketing hors de l’écosystème Google.
Le marché prévoit une décroissance des investissements publicitaires de 15 à 20% sur 2020, principalement causée par le Covid-19, avec une période de reprise plus longue que pour la crise financière de 2008 (celle-ci avait duré un an).
Il est donc plus important que jamais pour les acteurs de la publicité d’avoir un business model avec des sources de revenus plus équilibrées à l’image des géants comme Amazon ou encore WeChat, et c’est l’option que semble aujourd’hui prendre Google…
A propos des auteurs
Nicolas Le Boëdec, spécialiste média chez Fabernovel, accompagne les annonceurs dans la définition et l’opération de leurs stratégies média. Auparavant Nicolas a travaillé à Londres chez Fast Thinking, une start-up développant une plateforme de marketing automation, et le cabinet d’études Mintel.
Carl Gonnet spécialiste de l’E-Retail accompagne les marques dans la définition et l’application de leur stratégie e-commerce. Auparavant, Carl a travaillé 4 ans chez Amazon pour aider les marques à se développer sur les marketplaces européennes.