Selon un rapport la DGCCRF, 44,4% des commentaires en ligne sont biaisés.
Entre modération biaisée, rédaction de faux avis, conflit d’intérêts et billets sponsorisés, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver…
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ( DGCCRF) s’est penchée sur les commentaires en ligne et les pratiques autour de ce phénomène.
Selon cette enquête conduite en France auprès de 139 établissements en 2013, près de la moitié des avis (44,4%) sont biaisés.
Ce constat vient aggraver les premières tendances de l’étude de 2010 qui plaçait ce chiffre à 28,8%.
« Ce phénomène explose de façon exponentielle alors, devant l’étendue des dégâts, nous avons voulu faire un état des lieux », explique la DGCCRF, qui a formé une équipe de cyber-enquêteurs à plein temps sur ce sujet voilà quatre ans.
Leur objectif est de débusquer les contrevenants au code de la consommation. En quatre ans, 17 avertissements et 23 procès-verbaux ont été dressés.
Entre faux avis, modération biaisée et billets sponsorisés
La première pratique mise en avant par la DGCCRF est la modération biaisée des avis qui consiste en « la suppression de tout ou partie des avis de consommateurs négatifs au profit des avis positifs ». La direction précise d’ailleurs qu’un « acteur majeur du commerce en ligne de pièces détachées pour automobile a été verbalisé en ce sens », mais sans préciser lequel.
Sans aller jusqu’à la suppression, d’autres boutiques adoptent une stratégie différente selon que les avis soient positifs ou négatifs. Les premiers sont rapidement publiés, tandis que les seconds sont traités « comme un litige entre le consommateur et le marchand et prévoient un dispositif de médiation qui, lorsque celle-ci aboutit, conduit à la non-publication de l’avis négatif. Dans cette situation, l’internaute qui consulte les avis relatifs à ce marchand est trompé puisqu’il ignore qu’une part des transactions a donné lieu à des médiations ».
La DGCCRF pointe aussi du doigt la rédaction de faux avis « par le professionnel et son entourage », ajoutant qu’il «s’agit d’une pratique commerciale trompeuse ». Dans d’autres cas, il est également question de conflit d’intérêts. «Un site internet à forte audience comportant de très nombreux commentaires de consommateurs a lancé son système de gestion d’avis en invitant son personnel à rédiger de nombreux avis concernant des professionnels, dont une partie significative est constituée des clients dudit site. Ces avis, sollicités par l’employeur en contrepartie de l’espérance d’un gain (jeux-concours internes à l’entreprise), s’ils ont par la suite été complétés par de vrais avis de consommateurs, n’ont pas été retirés du site, comme cela aurait dû l’être ».
Plus pervers, l’instrumentalisation d’internautes lambda, invités à écrire des commentaires positifs sur la marque en échange de contreparties financières ou matérielles, ce qui jette évidemment un discrédit sur leur objectivité.
Plus étonnant mais loin d’être anodin, la direction s’inquiète du phénomène des billets sponsorisés qui fleurissent sur les blogs et sites d’informations en ligne. Si la pratique ne pose pas de problème lorsqu’elle est déclarée, elle devient contestable dès lors que l’utilisateur n’est pas informé de l’arrangement entre la marque et l’éditeur du contenu. Si on s’éloigne ici des avis de consommateur, la DGCCRF n’hésite pas à faire une petite remise au point sur les règles de déontologie traditionnelle.
Les limites d’encadrement des ces pratiques
Notez que, depuis l’année dernière, il existe une norme NF Z74-501 relative au traitement des avis de consommateurs en ligne. Publiée par l’AFNOR, elle veut « fiabiliser le traitement des avis de consommateurs sur Internet ». Elle précise par exemple qu’il ne faut pas acheter d’avis, mettre en premier les plus récents, être transparent sur les méthodes de calculs, les afficher tous dans leur intégralité, etc.
L’AFNOR ajoute qu’un site « a la possibilité d’auto-déclarer respecter la norme (sans contrôle extérieur) », mais qu’il engage alors sa responsabilité. Cela laisse néanmoins la porte ouverte à des dérives… et c’est justement sur ce point que la DGCCRF monte de nouveau au créneau. « Des gestionnaires de sites internet se sont auto-déclarés conformes à cette norme alors que les pratiques des entreprises n’étaient pas conformes à cette norme » en précisant que, là encore, il « s’agit d’une pratique commerciale trompeuse ».
Néanmoins, la DGCCRF ne compte évidemment pas baisser les bras et annonce la mise en place d’un « projet de norme internationale sur l’e-réputation qui comprendra un volet « avis en ligne » ». La direction générale indique qu’elle « y participera activement ».
Dans tous les cas, on ne peut qu’espérer que les chiffres seront revus à la baisse l’année prochaine. Pour rappel, l’année dernière, l’AFNOR indiquait que près de 90 % des Français consultent les avis sur internet et que 89 % « les jugent « utiles » ou « très utiles » ». Dans le même temps, on apprenait que 75 % des Français pensent que certains avis sont faux.