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Le wokisme a-t-il gagné les entreprises?


Les salariés parlent-ils le « woke » ?

C’est la question que s’est posée Havas Paris dans sa dernière enquête menée par l’Ifop, afin de mesurer la notoriété et l’adhésion des salariés du secteur privé aux différents concepts s’inscrivant dans des dynamiques identitaires.

Globalement, ces notions sont encore peu identifiées par les salariés, qui sont majoritairement frileux à l’idée de leur mise en place concrète au sein de leur entreprise…


Une notoriété croissante des concepts liés au « Woke »

Une nette majorité de salariés indique avoir déjà entendu parler des concepts d’écriture inclusive (64%), de culture du viol (59%) et un salarié sur deux d’études de genre (53%), de racisme systémique (52%) ou de personnes racisées (51%).

Les autres notions sont également connues par une part non négligeable de salariés : 47% d’entre eux ont entre autres entendu parler du privilège blanc, 45% d’appropriation culturelle, 42% de réunions en non-mixité.


Il est intéressant de noter que la notoriété des concepts liés au genre est globalement en progression par rapport au terrain mené par l’Ifop en février 2021 auprès du grand public (enquête Ifop pour l’Express) : à l’époque, où l’on commençait tout juste à parler de « Woke », 58% des Français disaient connaitre l’écriture inclusive (+6pts aujourd’hui auprès d’un échantillon de salariés), et 56% la culture du viol (+3pts aujourd’hui auprès des salariés).


Le terme « Woke » s’est lui-même démocratisé, et 28% des salariés en ont déjà entendu parler aujourd’hui, soit le double des Français pour qui c’était le cas en février dernier (14%).

Connaissance et compréhension parcellaires du phénomène…

Toutefois, cette connaissance reste parcellaire, seulement 12% à 37% des salariés affirment voir de quoi il s’agit selon les différentes notions testées.

Ainsi, près de deux tiers des salariés français ont entendu parler de l’écriture inclusive, mais seulement 37% voient de quoi il s’agit.

Sur des thématiques liées cette fois au racisme, la moitié des salariés du privé (52%) ont entendu parler du concept de « racisme systémique », mais seuls 26% en ont une connaissance précise, signe que les idées « Woke » ne sont réellement cernées que par une minorité de salariés du privé, et circulent pour l’instant dans des cercles encore restreints.

…Qui varient beaucoup selon l’âge, l’origine sociale ou géographique des salariés, ainsi que l’implantation de leur entreprise

Le degré de connaissance varie fortement selon le niveau de diplôme, les problématiques woke étant l’apanage des plus diplômés : 44% des salariés possédant un diplôme supérieur au baccalauréat visualisent bien ce qu’est l’écriture inclusive (+23pts vs les salariés ayant un diplôme inférieur au baccalauréat), 40% d’entre eux considèrent qu’ils identifient bien ce à quoi réfère la « culture du viol » (+25pts vs diplôme inférieur au bac), 34% les études de genre (+25pts vs diplôme inférieur au bac).


La région ainsi que l’implantation géographique de l’entreprise sont également des facteurs déterminants : les salariés franciliens connaissent systématiquement mieux chacune de ces notions que les salariés de province, de même que les salariés d’un groupe étranger implanté en France les appréhendent mieux que ceux travaillant pour une entreprise française uniquement présente en France.

Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que les entreprises internationales sont plus perméables à ces problématiques et ces grilles de lecture, qui proviennent principalement du monde universitaire anglo-saxon.


En revanche, les différences de notoriété sont plus ténues en matière d’âge et de genre des salariés, à l’exception de la notoriété de la « culture du viol », largement plus identifiée par les moins de 35 ans (47% contre 27% de leurs aînés, les 35 ans et plus).

Les plus informés sur ces sujets sont également les plus sévères en ce qu’ils sont majoritaires à estimer qu’ils correspondent à une réalité au sein de la société française : parmi ceux qui indiquent bien connaitre le concept de « masculinité toxique », plus des tiers (68%) estiment qu’elle correspond à une réalité.

Ce constat est d’ailleurs particulièrement soulevé par les femmes (74%).


Le modèle français, républicain et laïque résiste massivement

Interrogés sur le fait d’implémenter ces différentes mesures dans leur entreprise, l’ensemble des salariés du privé se montrent assez peu favorables, les scores s’échelonnant entre 23% et 40% selon les mesures testées.

La proportion de salariés se disant « pas du tout favorables » à ces mesures oscille quant à elle entre 35% et 59%, preuve du caractère particulièrement clivant de ces actions dans l’opinion des salariés.

Ils sont davantage favorables aux mesures relevant de l’inclusivité en termes de genre, que de celles se rapportant au caractère ethnique, et moins encore à celle concernant les critères ou revendications religieuses.

En effet, ces deux dernières catégories totalisent quasi-systématiquement plus de 50% des réponses dans la catégorie « pas du tout favorable ».



Ainsi, 40% d’entre eux seraient pour la possibilité de choisir leur pronom pour les aspects administratifs, dans un contexte où l’usage du pronom non-genré « iel » a été institutionnalisé avec son entrée dans le dictionnaire Le Petit Robert.

Dans la même lignée, 35% seraient pour la communication interne rédigée en écriture inclusive, et un peu moins d’un tiers pour la création de vestiaires non genrés (32%) ou d’espaces en non-mixité (exclusifs aux hommes ou aux femmes) (30%).


Du côté des mesures touchant aux origines ethniques, 70% ne sont pas favorables à la création d’un indicateur pour mesurer la diversité d’origine des employés, faisant ainsi intervenir l’aspect légal dans une logique de comparaison avec d’autres entreprises.

Sur le même plan, 72% n’approuveraient pas la mise en place de quotas de recrutement en fonction de l’orientation sexuelle ou de l’appartenance ethnique des candidats (et plus de la moitié des sondés, 52% n’y sont pas favorables du tout)

Le fait religieux est encore un peu plus clivant : bien que 29% des salariés du privé n’aient pas de problème quant à la possibilité laissée aux salariés de porter le voile, 52% n’y sont pas du tout favorables et 71% défavorables.

Seuls 23% accepteraient la mise à disposition de salles de prières ou de lieux de pratique du culte, preuve d’une certaine réticence propre à la France à l’expression des croyances dans la sphère publique et professionnelle.

C’est d’ailleurs cette dernière proposition qui suscite le rejet le plus fort de la part des salariés, 59% se disant « pas du tout favorables » à sa mise en place.

A noter, les moins de 35 ans sont systématiquement plus tolérants à l’égard de ces mesures que leurs aînés. Il en va de même pour les salariés les plus diplômés, ainsi que ceux travaillant dans un groupe étranger implanté en France.



Pour Frédéric Dabi, Directeur général de l’Ifop : « A peine un an après l’étude de référence Ifop Havas Paris que nous avions menée sur les entreprises républicaines, la déferlante « Woke » se diffuse dans l’espace public, et devient un objet de controverse.

Les différentes notions qui peuvent lui être associées deviennent connues des salariés. Le sujet travaille la société et ses composantes, en entreprise notamment. Pour un concept naissant, il s’impose dans le débat public et le corps social à une vitesse inédite, et il reste très clivant. »


Pour Benoit Lozé, Directeur de la Stratégie d’Havas Paris : « Les mesures liées au genre et aux questions d’égalité hommes-femmes remportent logiquement plus d’adhésion au sein des entreprises, elles s’inscrivent dans la continuité des combats féministes.

Les valeurs universalistes et laïques restent solidement ancrées. Elles expliquent ce refus massif de mesures liées à la couleur de peau ou à l’origine ethnique, et plus encore à la pratique religieuse. »

Pour Arielle Schwab, DGA d’Havas Paris, «  L’entreprise peut être au rendez-vous des enjeux cruciaux de diversité et d’inclusion, tout en se fondant sur un modèle républicain. Les salariés en France montrent qu’ils connaissent et reconnaissent ce corpus de valeurs sociales et universalistes, et qu’ils résistent plutôt bien aux dynamiques identitaires. »



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