Avis d’expert de Frédéric Grelier, Directeur marketing d’Acxiom
Les années 2010 ont démarré en fanfare, avec le retour en grâce de la data consommateur venant démultiplier les capacités de ciblage et de personnalisation.
On dit souvent que l’histoire se répète, bien que cela ne soit pas toujours vérifié. Nous sommes pourtant bien en train de vivre une réitération de l’histoire dans le domaine du marketing relationnel concernant la donnée consommateur.
Alors que les années 1990 ont marqué l’apogée de la donnée consommateur et la mise en œuvre de la segmentation, l’arrivée d’Internet dans les années 2000 et la faiblesse des coûts des campagnes marketing sur les canaux digitaux ont presque négligé l’importance du ciblage dans la relation marques – consommateurs. Les années 2010 ont démarré depuis en fanfare, avec le retour en grâce de la data consommateur venant démultiplier les capacités de ciblage et de personnalisation.
1990, une mise en œuvre des segmentations basées sur les données transactionnelles grâce au développement des datamart marketing
A l’époque où Internet n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, les annonceurs constituaient des « datawarehouse » dont l’objectif était le stockage de données et l’automatisation des flux au sein de l’entreprise. Ces données stockées ont permis aux marketeurs de prendre réellement conscience des capacités de ciblage et de personnalisation des messages pour les sollicitations commerciales, liées essentiellement à la mise en œuvre de campagnes print et télémarketing. Dès l’apparition des datamart marketing, les marketeurs ont pu construire leurs premières segmentations à grande échelle. Ce fut l’apogée du datamining. Les scorings d’appétence à des produits se sont ainsi développés, permettant d’enrichir les segmentations RFM (basées sur la récence, la fréquence et le montant d’achat pour évaluer précisément la probabilité d’acquisition et la valeur client).
Années 2000, des pratiques marketing révolutionnées et des modèles de données fortement perturbés par le développement d’Internet.
Petit à petit, l’évolution du web a bouleversé les modèles de données existants. Internet est rapidement devenu un vrai canal d’achat. Le développement du marketing interactif a ainsi porté les investissements des annonceurs sur le web en 2010 à près de 2 milliards d’euros. Google, qui n’existait pas au moment où l’équipe de France de football devenait championne du monde, est devenu via le search le levier incontournable pour générer des ventes online. Puis les canaux digitaux se sont étoffés. Ces années 2000 ont vu également le développement de l’e-mailing à la performance. Les affiliés ayant constitué des bases e-mail réalisent leurs premières campagnes pour lesquelles ils sont rémunérés en fonction du nombre de leads ou du chiffre d’affaires généré. Conséquences : plus ils réalisent d’envois, plus ils peuvent générer à court terme du chiffre d’affaires. En quelques années, la performance de l’e-mailing s’est pourtant effondrée, à l’image de l’ensemble des principaux indicateurs de réactivité du marché en baisse (taux d’ouverture, taux de clics, e-CPM…). Du côté de la fidélisation, les campagnes d’e-mails sont réalisées indépendamment des campagnes print. La cohérence des actions n’est donc plus assurée. Les annonceurs ont ensuite pris conscience du fait qu’un client sur le web est aussi un client déjà présent dans la base. Par conséquent, il était devenu nécessaire de repenser les modèles de données en cassant les silos et de travailler sur une vision 360°. Les datamarts marketing ont donc pu s’enrichir, la vision client unique est devenue fondamentale, et la data de réactivité aux campagnes e-mail et de l’appétence aux canaux a pu s’intégrer aux segmentations. Pendant ce temps, alors que l’e-mail aurait dû être considéré comme un outil de marketing direct, le Display tentait quelques initiatives de ciblage. Le ciblage contextuel basé sur la thématique d’un site ou d’une page web était le plus utilisé. Des précurseurs du ciblage comportemental sont ensuite apparus sans réellement connaître un grand succès. Seule l’arrivée du re-targeting – technique consistant à re-cibler via une bannière publicitaire les visiteurs d’un site ou d’un produit – en poussant assez loin la personnalisation, a permis de prendre conscience de l’efficacité du ciblage. Toutes ces initiatives ont préparé la nouvelle ère venant tout juste de naître. Les années 2010 : le Cloud et le Big Data annoncent le retour en grâce de la donnée consommateur
Nous venons d’entrer officiellement dans l’ère du Big Data. Les volumes de données générées par les consommateurs via les mobiles, la navigation sur Internet et les réseaux sociaux explosent. Les entreprises prennent conscience de l’enjeu. Les techniques de structuration de ces données dans un même environnement pour reconstituer la vision unique se développent. A quelles fins ? Tout simplement pour développer des techniques marketing consistant à cibler et personnaliser les campagnes, cette fois-ci dans un environnement digital. Le Cloud permet de centraliser ces immenses bases de données. Les liens entre les réseaux sociaux, les bases CRM et la navigation web se mettent en place. Les tactiques de Google et de Facebook par rapport à cela sont claires : il est stratégique de connaître les consommateurs et de comprendre où ils en sont dans leur cycle d’achat sur les différents univers de consommation. Le marché de la publicité sur Internet doit permettre non seulement de prolonger le search mais aussi d’identifier de nouveaux cycles d’acquisition. L’enjeu : conquérir le marché mondial de la publicité qui pèse aujourd’hui quelques 500 milliards de dollars, selon une étude e-marketer (Juin 2011). Les techniques poussées de ciblage et de personnalisation permettent aujourd’hui d’améliorer l’efficacité des campagnes marketing et donc d’attirer les budgets des annonceurs qui veulent du ROI.
Grâce à ces techniques, la donnée consommateur annonce son retour en grâce. Le datamining connait une nouvelle vie. Les segmentations deviennent des taxonomies qui combinent données de navigation, données socio-démographiques et données CRM, avec des scorings permettant de trouver les « look-alike » (ces individus ressemblant dans leurs données à ceux qui viennent d’acheter un produit donné). Parallèlement, le Display se transforme pas à pas en Vidéo, et la TV en TV connectée. Tout ceci est un marché naissant. Les dix prochaines années vont être marquées par ce nouveau contexte et il est fort à parier que ces data consommateur vont permettre d’accroître généreusement le développement du marketing interactif.