Nous sommes entrés dans l’ère de la sur-promesse technologique, celle où il n’y aurait plus aucune limite à ce que l’innovation peut apporter.
Cette surenchère est aussi une arme marketing redoutable : beaucoup d’entreprises utilisent aujourd’hui les « buzzwords » du moment et promettent la lune du jour au lendemain. Et sur le podium de ces promesses absolues, le marketing prédictif est en bonne place…
Une tribune de Jean-René Boidron, CEO de Kameleoon & ancien Vice-Président de CroissancePlus
Je devrais me sentir mal placé pour émettre la moindre critique sur le marketing prédictif. Mon moteur, c’est l’innovation ; l’une des spécialités de mon entreprise – et la fierté des équipes R&D – sont les algorithmes prédictifs.
Ils sont en effet LE levier pour augmenter la conversion de nos clients. Problème : ce terme est utilisé à tort et à travers. Il est donc nécessaire de le clarifier pour les experts digitaux (e-commerçants ou media).
Les opportunités croissantes offertes par les technologies conduisent aux promesses les plus folles comme celle de relier Los Angeles à San Francisco en train électromagnétique en 30 minutes ou de coloniser Mars, et tout ça d’ici 2025.
Cette nouvelle ère de la promesse absolue est aussi devenue une arme marketing redoutable : beaucoup d’entreprises ne s’embarrassent plus d’expliquer ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire…
Le marketing prédictif existe depuis toujours
En réalité, nous faisons du marketing prédictif depuis l’existence même du marketing. Nous tenons compte des expériences passées pour éclairer l’avenir.
En réalisant que la fréquentation de son magasin de prêt-à-porter est forte le samedi et faible le lundi, le commerçant prédit qu’il va en être de même à l’avenir et décide de recruter un vendeur supplémentaire le samedi et de rester fermé le lundi.
De même, il prédit que certains articles se vendront mieux en hiver qu’en été ; l’expérience acquise va même lui permettre d’affiner ses prises de décision à la semaine près pour optimiser ses ventes. Sa clientèle devenant plus importante, il va également commencer à segmenter ses clients pour maximiser ses ventes en offrant à chacun une gamme qui a le plus de chances de répondre à ses besoins.
Ce que l’analyse prédictive va apporter…
Bon nombre de segmentations manuelles sont faites sur un seul critère : CSP, genre, client fidèle ou non, etc. D’autres plus élaborées vont croiser deux critères : CSP avec genre, fréquence d’achat avec lieu de résidence, etc.
A partir de 3 critères, un logiciel spécialisé sera indispensable et au-delà il faudra utiliser des algorithmes spécialisés surtout s’il s’agit de traiter des milliers de clients.
Avec l’augmentation massive des informations et de la capacité de traitement, l’intelligence artificielle va déjà permettre d’automatiser un ensemble de tâches de manière exhaustive et sans erreur.
Mieux, des algorithmes de machine learning vont tenir compte en permanence de l’évolution des comportements et des caractéristiques des clients pour redéfinir en temps-réel qui appartient à quel segment et quel est son comportement futur le plus probable. Ils vont dégager des tendances, trouver des corrélations et « faire parler » les données dans le but de maximiser la conversion.
Dans l’absolu, cette tâche pourrait être réalisée manuellement mais elle exigerait une armée d’analystes nuit et jour pour la réaliser. Débarrassé du traitement fastidieux des données, ces algorithmes de machine-learning vont permettre au marketeur de se concentrer sur sa stratégie et les actions qu’il souhaite réaliser.
…Et ce qu’elle ne va pas entraîner
1ère réalité : ne pas confondre automatisation et prédictif
Il convient déjà de ne pas confondre l’analyse prédictive avec la « simple » automatisation qui résulte de la mise en place de règles « manuelles ».
Définir une règle qui pousse un bon de réduction à un visiteur qui reste 3 minutes sur une page, c’est bien mais c’est de l’automatisation, pas de l’intelligence artificielle. L’allocation dynamique de trafic en A/B testing, c’est bien mais c’est aussi de l’automatisation, pas du prédictif.
2ème réalité : le machine learning ne remplace pas l’intelligence humaine, il la complète.
Un algorithme n’est pas conscient de ce qu’il fait. Son succès vient de l’intelligence humaine, en l’occurrence celle d’un analyste ou d’un data scientist qui va le « mettre en situation » pour qu’il soit efficace.
Il n’existe aucun algorithme d’apprentissage universel capable de prédire le comportement d’un visiteur. Chaque situation nécessite un paramétrage bien précis pour obtenir de bons résultats, à commencer par la qualité des données traitées ; or seul un humain est en mesure de « nourrir » correctement l’algorithme.
3ème réalité : l’algorithme n’a pas d’idée, il constate.
Il ne définira ni votre stratégie, ni vos actions. S’il est en mesure d’identifier la probabilité d’achat d’un visiteur, il n’a aucune espèce d’idée de la décision à prendre selon cette probabilité.
Le marketeur se doit de définir la bonne stratégie à appliquer pour optimiser son chiffre d’affaires et sa marge.
Pourquoi et comment utiliser le marketing prédictif
La combinaison de la puissance de calcul et de la puissance des algorithmes permet de traiter aujourd’hui intelligemment des situations que l’on n’a jamais été en mesure de gérer correctement auparavant.
Dans le domaine du marketing digital, l’analyse prédictive ouvre la porte à des opportunités nouvelles pour personnaliser le parcours client et augmenter ses ventes. Mais l’humain est indispensable, en amont comme en aval, pour cadrer l’algorithme à une situation donnée et pour décider des actions à réaliser.
C’est plutôt une bonne nouvelle et c’est bon à savoir pour ne pas écouter les marchands de sable…