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Laisser l’IA faire ses courses? Les consommateurs votent contre…

Si l’intelligence artificielle peut faciliter les recherches, les utilisateurs ne sont pas prêts à déléguer leur décision d’achat…


Une application qui fait des recommandations d’achat, enregistre les préférences et oriente vers le meilleur article grâce à l’IA, c’est bien pratique. Mais si l’utilisateur ne se sent pas autonome dans ses choix et ses décisions, il s’abstiendra.

C’est la conclusion d’un article* signé par deux chercheuses, dont Mariyani Ahmad Husairi de NEOMA.

Cette étude qui s’appuie sur trois études conduites auprès de 1 700 consommateurs américains apporte toutefois une nuance : certains types de produits dérogent à cette règle.




Une prime à la liberté de choix et de décision

Les consommateurs sont-ils prêts à ne plus rechercher eux-mêmes le meilleur produit et à ne plus décider lequel ils achètent ?

De nombreux chercheurs en doutent, et alertent sur le risque de rejet d’une IA qui nous priverait de ces libertés.  

C’est cette thèse, développée jusqu’ici dans des travaux théoriques, que les deux autrices de l’article ont vérifié via trois études de terrain.

Dans la première étude, les participants achètent des produits alimentaires avec une application, déclinée en quatre versions dans autant de sous-groupes.

Deux versions permettent de rechercher soi-même les produits, avec décision finale par l’utilisateur dans un cas, et par l’IA dans le second. Les deux autres versions ne proposent qu’une sélection restreinte de produits, avec là encore une décision laissée à l’utilisateur ou opérée par l’IA.  

Les résultats sont clairs : les participants sont bien plus nombreux à adopter l’application quand ils ont la liberté de choix et de décision.


L’IA indésirable, même quand le choix est complexe

Restent-ils sur cette position quand ils sont confrontés à un choix plus complexe ?

C’est l’objet de la deuxième étude.

L’application et ses quatre déclinaisons sont reprises à l’identique. Mais les descriptifs de produits, concis dans l’étude précédente, sont volontairement alourdis : ils comptent une vingtaine de caractéristiques, par exemple odeur, texture, temps de cuisson, date de péremption, valeurs nutritionnelles, origine, composition chimique, etc.

Il est établi en effet que nous disposons de capacités d’attention et de ressources cognitives limitées pour traiter des informations complexes. À l’inverse, l’IA est très performante dans ce domaine.

Les participants jugeraient-ils opportun de s’appuyer sur sa puissance de traitement ?

Il n’en est rien : même s’il devient plus ardu de faire des recherches, les participants préfèrent toujours la version qui leur donne liberté de choix et de décision.



Activités passion : l’IA bienvenue pour faciliter les choix

Pour la troisième étude, les chercheuses se sont intéressées aux chaussures de course à pied.

Moyen d’affirmer notre identité, de pratiquer des activités dans lesquelles nous nous reconnaissons… l’achat de matériel spécialisé est plus « investi », plus engagé que celui de provisions du quotidien.

Les participants sont d’abord évalués sur leur attrait pour la course à pied. Puis ils utilisent une application de running connectée à un site d’achat de chaussures de course.

Là encore, ils sont répartis entre quatre modes d’achat : choix libre ou limité, décision finale par l’utilisateur ou par l’IA.

Cette fois, les résultats changent. Les participants peu investis dans le running apprécient de choisir eux-mêmes, mais les passionnés plébiscitent les choix restreints.

En revanche, ils préfèrent rester maîtres de la décision finale. Interprétation possible : l’IA devient acceptable quand elle fait économiser du temps et des efforts aux pratiquants les plus motivés.

Autrement dit, mieux vaudrait s’offrir un footing supplémentaire que passer des heures à choisir du matériel en ligne.



Que retenir de ces études ? Laisser à l’utilisateur la décision d’achat !

D’abord, la technologie doit être bridée pour ne pas faire fuir l’utilisateur. Il n’est pas prêt à accepter une IA qui lui dirait « tu auras des choix limités et je déciderai à ta place », et veut conserver une part d’autonomie.

Par exemple, les choix qu’on lui propose ne peuvent se limiter aux résultats d’un algorithme. Il doit pouvoir faire des recherches selon son humeur, son actualité ou son inspiration du moment, pour garder la liberté de « faire autrement ».

Seconde recommandation, essentielle pour ce sentiment d’autonomie : lui laisser la décision finale d’achat.

Or, ce n’est déjà plus le cas avec certains modèles émergents, par exemple le shipping-then-shopping : il consiste à envoyer une sélection d’articles établie par une IA à un client, celui-ci devant alors retourner ceux qu’il ne veut pas acquérir.

L’avenir dira si ces formules, fondées sur une « présomption d’achat » du consommateur, parviennent à convaincre ou suscitent des résistances…








*Mariyani Ahmad Husairi, Patricia Rossi, Delegation of purchasing tasks to AI: The role of perceived choice and decision autonomy, Decision Support Systems, 2024. DOI: https://doi.org/10.1016/j.dss.2023.114166







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