Dans le monde de l’entreprise, l’urgence est reine. Tous les regards sont tournés vers la « growth» : générer des leads, conquérir des parts de marché, atteindre les objectifs trimestriels.
Mais derrière cette quête effrénée, un constat s’impose : la construction de la notoriété — cet actif immatériel pourtant essentiel — est reléguée au second plan.
Pourquoi ? Parce qu’elle ne s’inscrit pas dans les mêmes horizons temporels. Et c’est là que réside le malentendu…
Par Delphine Margot, Sparring Partner Communication et Coach en Prise de Parole
L’obsession de l’immédiat : leads et acquisitions
La growth repose sur une logique implacable : des chiffres immédiats, mesurables, et souvent directement liés aux efforts d’acquisition. Chaque campagne, chaque euro dépensé doit se traduire par un retour visible : clics, leads, conversions. Cette approche est séduisante, car elle donne l’illusion du contrôle et des résultats rapides.
Mais cette urgence à produire du résultat pose une question cruciale : à quoi sert-il de remplir un pipeline si la marque derrière reste invisible ou sans impact ? Dans la précipitation, on oublie que l’acquisition est un sprint, alors que la notoriété est un marathon.
Le long chemin de la notoriété
La notoriété ne se construit pas en un trimestre. Elle repose sur une accumulation patiente : des messages répétés, des relations solides avec les médias, des campagnes qui marquent les esprits. C’est un processus lent, parfois frustrant, mais infiniment plus durable.
Une marque forte attire naturellement, réduit les coûts d’acquisition, et reste pertinente bien après qu’une tendance ait disparu.
Prenons l’exemple d’entreprises comme Back Market, Apple ou Blablacar. Ces marques investissent sur le long terme, avec des messages cohérents et des valeurs incarnées.
Résultat ? Une fidélité à toute épreuve et une capacité à convertir sans avoir besoin d’inonder le marché d’annonces.
Le danger du déséquilibre
Ignorer l’importance de la notoriété au profit d’une obsession pour la growth, c’est comme construire une maison sur des fondations instables. Vous pouvez empiler les briques rapidement, mais au premier choc, tout s’effondre.
D’ailleurs, une étude de Harvard Business Review révèle que les entreprises ayant investi dans le branding augmentent leur rentabilité de 23 % sur trois ans par rapport à celles qui se concentrent exclusivement sur des actions d’acquisition à court terme¹.
Une entreprise qui ne prend pas le temps de construire sa marque s’expose à plusieurs risques :
- Une hausse constante des coûts d’acquisition. Sans notoriété, chaque nouveau client coûte plus cher à convaincre.
- Une difficulté à se différencier. Si votre marque est interchangeable, pourquoi un client resterait-il fidèle ?
- Un capital confiance fragile. Les marques non identifiées ou mal perçues peinent à survivre aux crises.
Réconcilier l’urgence et la patience
Alors, comment trouver l’équilibre entre growth et notoriété ?
Voici trois clés pour éviter la tentation du tout-immédiat :
- Allouer une part du budget à la construction de la marque. Même dans une stratégie orientée performance, réserver 10 à 20 % des ressources à des actions de branding permet de construire une base solide.
- Mesurer différemment. La notoriété ne se mesure pas en clics ou en leads, mais en impact : évolution de la perception, couverture médiatique, ou part de voix dans le marché.
- Travailler la cohérence. Chaque action d’acquisition doit être une opportunité de renforcer la notoriété. Un lead est un point de contact, mais c’est aussi une chance de raconter une histoire.
Growth ou notoriété : et si c’était un faux dilemme ?
Opposer growth et notoriété, c’est passer à côté de l’essentiel : ces deux leviers ne s’excluent pas, ils se complètent.
La growth assure la survie à court terme, tandis que la notoriété garantit la résilience à long terme. Comme le souligne une étude Kantar, 80 % de la croissance d’une marque à long terme provient de l’accroissement de la notoriété et de la fidélité, plutôt que d’actions purement transactionnelles².
Une marque qui choisit de sacrifier l’une pour l’autre perd de vue sa véritable mission : durer…
Car dans un monde où les tendances changent à la vitesse de la lumière, seules les marques fortes traversent le temps.
¹Source : Harvard Business Review, « Why Branding Pays in the Long Term », 2023
²Source : Kantar, « BrandZ Top 100 Most Valuable Brands », 2023