En 2025, le web est devenu un immense laboratoire d’écriture automatisée.
Selon une étude récente de l’agence Graphite, près de 50 % des contenus en ligne seraient aujourd’hui générés, au moins en partie, par une intelligence artificielle.
Une mutation silencieuse, amorcée depuis la démocratisation de ChatGPT, qui recompose en profondeur la manière dont l’information est produite, diffusée et consommée.
La moitié du web écrite par des algorithmes
Graphite a analysé plus de 65 000 articles issus de la base Common Crawl pour déterminer leur origine.
Résultat : à la fin de l’année 2024, les contenus rédigés par IA ont dépassé ceux écrits par des humains.
Un texte est considéré comme généré par intelligence artificielle dès lors que plus de la moitié de ses phrases proviennent d’un outil de génération automatique, détecté via des technologies comme SurferSEO.

Le phénomène a connu une croissance fulgurante : à peine perceptible en 2022, il explose en 2023 juste après le lancement de ChatGPT, culmine à 55 % en janvier 2025, avant de se stabiliser autour de 50 %.
En clair, les algorithmes écrivent désormais autant que les rédacteurs — sans que cela soit toujours visible…
Une production massive mais peu visible
Fait surprenant : cette déferlante de contenus IA reste peu présente dans les recherches Google ou les flux recommandés.
Les résultats de cette étude montrent que les textes générés automatiquement apparaissent rarement dans les premières positions des moteurs ou dans les réponses de ChatGPT.
Une partie d’entre eux semble pénalisée — volontairement ou non — par les algorithmes de classement.
La raison tient autant à la technique qu’à la qualité : si les IA excellent pour générer du volume, elles peinent encore à créer de la pertinence et de la confiance.
Beaucoup de ces articles restent superficiels, uniformes, ou redondants. Autrement dit : le web se remplit, mais ne s’enrichit pas toujours.
Les humains ne disparaissent pas, ils s’adaptent
Pourtant, cette transformation ne signe pas la disparition du rédacteur.
De plus en plus de professionnels adoptent une approche hybride : ils utilisent des IA pour structurer un texte, reformuler des passages, générer des idées, avant de reprendre la main pour apporter le ton, la nuance et la vérification humaine.
Ce modèle, à mi-chemin entre automatisation et expertise, rend la frontière floue entre l’humain et la machine. On ne sait plus vraiment si un article est « écrit par IA » — ou avec l’IA.
Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large : celui d’une industrialisation douce de la création de contenu, où la productivité prime, mais où la voix humaine reste le principal gage de différenciation.
Vers une nouvelle grammaire du web ?
Ce basculement soulève des questions culturelles et éthiques.
Si tout le monde peut produire du texte instantanément, que devient la valeur de l’écriture ? L’uniformisation stylistique induite par les modèles de langage risque de lisser les opinions et les imaginaires.
À l’inverse, la rareté du point de vue humain, du récit incarné ou de l’analyse originale, pourrait bientôt redevenir une ressource précieuse — et donc recherchée.
Pour les médias, cette réalité impose une redéfinition du travail éditorial : non pas résister à l’IA, mais l’encadrer.
Déterminer ce qui relève de l’automatisation et ce qui doit rester humain devient un enjeu de transparence et de confiance vis-à-vis du lecteur.
Si la moitié du web est aujourd’hui écrite par des machines, la bataille qui se joue n’est pas pour autant celle de la disparition des rédacteurs. L’IA est surtout en train de redéfinir notre rapport à l’information et la façon dont nous la consommons…