Si les enceintes intelligentes sont aussi faciles à utiliser qu’une simple commande vocale, pour le marketeur positionner sa marque relève plutôt du casse-tête.
L’invocation est en effet un des seuls moyens d’entrer en contact avec l’utilisateur, quand la plateforme ne choisit pas tout bonnement le service à sa place…
Alors les assistants vocaux : graal des marques ou chronique d’une fin annoncée ?
Médias, marques et annonceurs : la révolution du vocal est en marche !
Au cœur des Tendances Social Media 2018 décryptées par Kantar Media en début d’année, la vague de l’intelligence artificielle continue de déferler sur le web social, avec de nombreux domaines d’applications : algorithmes toujours plus complexes, traque des faux comptes, détection de spams, reconnaissance d’image/faciale, analyse prédictive comportementale, traitement du langage et systèmes de dialogue, assistants virtuels…
Les assistants intelligents et enceintes vocales en particulier sont en train de créer un nouvel écosystème où s’affrontent les rois de la tech : Google, Amazon, Alibaba…
En un peu plus d’un an, ils sont devenus un phénomène mondial (les Etats-unis représentent moins de la moitié des ventes) et « le segment du marché high-tech qui connaît la croissance la plus forte, devant les smartphones ou les casques de réalité virtuelle. »
Et ce n’est que le début : également dans la course, Facebook préparerait la sortie de deux smart speakers, « Fiona » et « Aloha » (« Hello » en Hawaïen) prochainement, motorisés par le successeur présumé de « M » : « Marvin » !
Une nouvelle ère technologique se profile et ces questions toutes simples : « Ok Google, quelles sont les dernières infos sur la Coupe Davis ?« , « Alexa, demande à Ouest France quelles sont les actualités » ou encore « Dis Homepod, allume la télé » sont en train de bouleverser notre manière d’accéder à l’information.
Selon la récente étude DIMENSION 2018 de Kantar Media, plus d’un consommateur connecté sur 10 sur 5 marchés (et plus de 21 % des personnes interrogées en Chine) a déjà utilisé une enceinte intelligente ou autre assistant vocal.
Pour accueillir ce nouvel usage, nombreux sont les médias qui se sont déjà lancés dans l’aventure, via des flashs infos sur-mesure ou replays.
En France, les flashs L’Équipe et Le Parisien, par exemple, sont réalisés avec un ton plus conversationnel et plus d’interactivité qu’un contenu radio classique:
Ce qui est en jeu : une nouvelle manière de s’informer, mais aussi de consommer !
Comme avec les réseaux sociaux faisant tomber les barrières entre les marques et leurs clients, nous sommes avec les assistants vocaux face à un nouveau paradigme de la relation marque/consommateur.
A la clé : la possibilité d’humaniser davantage cette relation, en parlant directement à l’utilisateur.
En terme d’expérience, on n’aurait pas rêvé mieux: 150 mots prononcés par minute quand on n’en écrit que 40 ; et la voix comme façon la plus facile et la plus naturelle de communiquer.
En terme de potentiel d’exploitation, les marques ne sont pas en reste avec la possibilité de déployer à l’infini leur skills (Amazon), actions (Google), etc., voire même de les intégrer dans leurs propres appareils.
Dans le secteur automobile, par exemple, les Mini sont équipées d’une déclinaison d’Alexa : « Alexa-on-the-go »; ou encore, BMW intègre Google Assistant au sein de ses véhicules et de sa solution BMW Connected.
Une forme de publicité native et contextuelle basée sur la reconnaissance vocale pourrait également se développer, à mesure que les assistants vocaux seront utilisés au quotidien par les consommateurs.
30% des recherches internet se feront par assistants vocaux à l’horizon 2020, selon les projections de Gartner. C’est dire si la publicité vocale pourrait constituer une manne pour les annonceurs… et les plateformes !
En parallèle, des partenariats dans tous les domaines de consommation pourraient voir le jour pour mettre en avant certaines marques, et les faire figurer parmi les suggestions des assistants vocaux.
Marques et assistants vocaux, ça se complique…
Si elle ouvre la voie à une expérience utilisateur sur-mesure, l’arrivée de cette nouvelle technologie représente aussi un défi majeur pour les professionnels du marketing et de la communication.
Hormis pour la poignée de marques qui pourront se targuer d’un partenariat avec les principaux acteurs du marché, le marketing vocal pourrait même s’avérer être un jeu dangereux.
Amazon affirme par exemple que la meilleure manière pour une marque d’être bien référencée sur Alexa Shopping est d’avoir un bon produit (recommandations clients, prix…) dans Amazon Prime… Qu’adviendra-t-il lorsqu’un de ces acteurs décidera de modifier son algorithme et ses règles du jeu ?
S’il est illusoire de vouloir s’affranchir des innovations apportées par Google, Facebook et consorts, le monopole que les géants du web détiennent actuellement constitue évidemment un risque.
Par ailleurs, à l’ère des adblockers, on peut difficilement imaginer que le consommateur voie d’un très bon œil le développement d’une publicité vocale qui viendra s’immiscer dans son quotidien de la façon la plus intrusive qui soit.
Les plateformes sont d’ailleurs encore réticentes à l’idée de proposer de nouvelles solutions publicitaires aux annonceurs et, tout en cheminant vers plus de monétisation, restent très prudentes. L’insertion de publicité devrait se limiter à des recommandations qui répondent à des demandes de l’utilisateur.
La montée en puissance de l’intelligence artificielle et des algorithmes sur lesquels s’appuient les assistants vocaux pourraient finalement mettre hors-jeu toute activité de branding.
Comment cultiver la préférence de marque dans cette nouvelle ère de la reconnaissance vocale ?
En l’absence de valorisation de la marque, difficile de se rappeler à la mémoire de l’utilisateur s’il ne se souvient pas de votre hot word (ou formule d’invocation).
C’est ce que montre l’exemple de ce petit exercice : si vous dites une phrase de type « acheter des chaussures de football » à Google Home, c’est en tout et pour tout l’adresse d’un magasin de la chaîne Foot Locker qui vous est communiquée.
Alors que si vous tapez la même chose sur un moteur de recherche, plus d’une dizaine de marques apparaissent en première page, résultat combiné du référencement naturel et payant.
Si vous utilisez l’assistant vocal d’un distributeur comme Monoprix en France, les produits que vous avez l’habitude d’acheter vous seront proposés sans systématiquement préciser la marque du produit ! En d’autres termes, cela sonne le glas de la marque telle que nous la connaissons…
Le marketing de l’intention
Avec le boom des assistants vocaux et les progrès de l’intelligence artificielle, les prochaines années devraient voir la montée en puissance de la marque conversationnelle, celle qui organise une interaction étroite et individualisée avec son audience.
Mais pas seulement ! Ce qui est nouveau c’est que la conversation n’est plus à l’initiative de la marque : le consommateur s’exprime d’abord, et la marque se doit de répondre en « one to one ». Pour être efficace, le contenu doit donc être entièrement personnalisé, contextualisé et sollicité par le consommateur.
Prenons l’exemple de l’assistant culinaire de Nestlé, « Emile et une recette » déjà présent sous forme de bot sur Facebook Messenger et disponible en France en version vocale avec Google Home.
C’est l’utilisateur qui initie la conversation en prononçant «OK Google, parler à Émile et une recette», suivi d’un ingrédient ou nom de recette. L’assistant répond immédiatement avec une proposition qui correspond non seulement au souhait de l’utilisateur sur le moment mais aussi à ses préférences recueillies depuis qu’il utilise le service, ainsi qu’à une logique de saisonnalité.
Toutes les recettes utilisent les produits du groupe Nestlé : Maggi, Herta, etc. Une idée simple mais révolutionnaire qui permet aux marques de communiquer de manière totalement personnalisée, sorte de placement de produit moderne…
L’enjeu principal est alors de proposer une expérience efficace, capable de créer l’habitude chez le consommateur voire même de créer l’addiction, pour qu’il se souvienne de votre nom d’invocation et qu’il ait envie de l’utiliser.
Autre solution pour se rappeler à la mémoire de l’utilisateur : faire apparaître un icône sur l’appareil. Les interfaces vocales « nouvelle génération » telles que Echo Show ou la future Facebook Aloha sont justement munies d’un écran qui pourrait rendre possible une mécanique du push.
Si la technologie de reconnaissance vocale est encore assez rudimentaire, elle offre également la promesse de «décoder» avec précision l’intention derrière les recherches des utilisateurs.
Passées à la puissance vocale, les marques de demain seront non seulement plus accessibles, ancrées dans le quotidien du consommateur, mais aussi à l’écoute !
Par exemple, si vous demandez à l’assistant vocal de « chercher la dernière chaussure de football Adidas Predator 18 », est-ce juste pour découvrir ce modèle de chaussure et écouter des avis consommateurs, ou pour l’acheter ?
Grâce à l’intelligence artificielle, les marques pourront identifier des indices contextuels pour aller plus loin en granularité d’informations sur les étapes du parcours d’achat du consommateur, et apporter une réponse réellement pertinente.
Par exemple, proposer des descriptions de produits ciblées et toucher les consommateurs à chaque étape du processus de prise de décision.
Cela annonce la consécration d’une publicité incroyablement pertinente, non intrusive glissée dans la conversation. Objectif pour le marketeur : conseiller, seconder, divertir, bref : se rendre indispensable. C’est le prérequis pour une acceptation publicitaire plus forte.
A une condition cependant : comprendre et exploiter la masse exponentielle de data à venir tout en assurant la transparence et le contrôle par les personnes de leurs données personnelles.
Pas de marketing vocal sans data, pas de marketing vocal sans confiance…