Par Hugues Trogan, Directeur France et Belgique d'Infobip, et Catherine Thevenot, Professeure de Psychologie du Développement Cognitif à l'Université de Lausanne
Si les milléniaux et les individus issus de la génération Z sont bien connus aujourd’hui, c’est désormais la génération Alpha qu’il faut inclure dans nos réflexions.
Ces enfants nés à partir de 2010 sont connectés et entourés de technologies depuis leur naissance. Ces profils d’individus façonneront le futur, d’où l’enjeu pour les marques de les comprendre afin de pouvoir anticiper l’adaptation au monde de demain.
Un enfant sur cinq issu de cette génération se renseigne d’ores et déjà sur des produits qu’il souhaite acheter* en utilisant les outils technologiques.
Comment se préparer à intéresser ces profils émergents qui auront 20 ans en 2030 et formeront les consommateurs de demain ?
Génération Alpha : De qui parle-t-on ?
Il s’agit d’enfants qui grandissent entourés d’objets technologiques tels que les smartphones, les tablettes, les assistants vocaux, et ce depuis leur naissance. Ils ne connaissent tout simplement pas le monde sans ces outils numériques.
Cette génération est généralement très connectée, avec un usage assez fréquent des réseaux sociaux.
Si ces derniers, sur un plan juridique, sont théoriquement interdits au moins de 13 ans, dans les faits, on constate que 40 % des élèves de primaire en utilisent un en leur nom.*
La génération Alpha présente des caractéristiques psycho-sociales assez intéressantes.
Tout d’abord, il n’y a pas de différence d’usage des nouvelles technologies entre les filles et les garçons, ce qui peut ouvrir la voie à différentes interprétations.
En premier lieu, on peut penser et se réjouir que cette génération n’est pas concernée par des différences de genre concernant l’intégration au monde numérique et donc que nous nous dirigeons vers une société plus équilibrée et moins discriminante.
L’autre interprétation en revanche consisterait à dire que ce n’est pas à cet âge que le fossé femme-homme se creuse et que les inégalités de genre se manifestent davantage vers l’adolescence voire plus tard, lorsque les enfants deviennent étudiants ou aspirants au marché du travail.
Cette cohorte qui a toujours vécu avec les nouvelles technologies présente certaines caractéristiques qui lui sont propres.
L’une d’elles est une quête d’autonomie, qui semble plus marquée que pour les générations précédentes. On constate que les jeunes apprécient de se servir des outils à leur disposition pour trouver des réponses à leurs questions.
Il y a donc un déclin de la source parentale comme levier principal de diffusion des savoirs, au profit des assistants vocaux par exemple.
Cette première réalité se double d’une recherche de l’immédiateté : les enfants souhaitent obtenir des réponses tout de suite, ils estiment que c’est normal et justifié puisque les outils le leur permettent.
Au risque d’une déshumanisation des échanges et d’une impatience croissante ?
De cette interrogation découle une autre question potentiellement embarrassante et que l’on se pose plus ou moins consciemment : les nouvelles technologies sont-elles des prédatrices ou des alliées de cette génération ?
La réponse à cette question importante ne peut pas être définitive puisqu’elle dépend de l’usage qui sera fait de ces nouvelles technologies.
Un outil bien utilisé sera un vrai atout, mais il faut rester conscient des dérives que son usage disproportionné pourrait engendrer et anticiper ces dérives en encadrant son utilisation.
L’enjeu est de taille quand on sait que la génération Alpha, en grandissant, composera les professionnels, les consommateurs et les dirigeants de demain.
A quoi ressemblera le consommateur et l’omnicanal dans 10 ans ?
L’omnicanal que nous connaîtrons dans une décennie sera différent de celui d’aujourd’hui. Les tendances qui vont s’affirmer seront basées sur le triptyque suivant : vocal, social et mobile.
Car, outre l’appétit des plus jeunes pour les assistants vocaux et les réseaux sociaux, le « mobile-first » a de beaux jours devant lui puisque 60 % des enfants* apprennent à se servir d’un smartphone entre 4 et 6 ans.
C’est donc un savoir-faire appelé à être acquis presque en amont des activités de loisirs extrascolaires.
Le ludique sera aussi déterminant car 69 % des enfants* utilisent les technologies pour se divertir et un grand nombre d’entre eux apprécient visionner des vidéos sur YouTube.
Cet aspect « gamification » est donc à retenir du côté des marques et distributeurs et permettra de faire la différence.
Autre dimension, les enfants apprennent à utiliser les outils numériques plus précocement que leurs parents et grands-parents.
La plastiscité cérébrale de leur jeune cerveau leur permet ainsi d’apprendre plus et mieux concernant le monde numérique que les générations précédentes.
Cette cohorte apprécie la fluidité et la simplicité des choses et le maniement des outils ne pourra donc jamais rimer avec contrainte, effort ou agacement.
Ainsi, cette génération se montrera d’autant plus redoutable en ce qui concerne la qualité de l’expérience client et sera très critique à la moindre erreur.
Autant d’enseignements précieux pour que les marques d’aujourd’hui s’adaptent aux consommateurs de demain et puissent entamer des conversations de qualité et pertinentes avec ces publics.
*Etude Infobip menée auprès de 652 enfants français de 6 à 11 ans issus de la génération Alpha pour sonder leurs habitudes d’utilisation des produits technologiques. Étude menée avec l’organisme Yougov du 9 au 21 juin 2021.