Par Yoann Grumberg, CEO d’ESV Digital
Depuis quelques années, les initiatives pour mettre fin au ciblage publicitaire personnalisé sur internet se multiplient.
Dans un univers numérique où la collecte des données personnelles est devenu un sujet quasi-épidermique, les cookies sont devenus indésirables.
Mais deux questions importantes sont passées sous silence : quel impact économique pour le consommateur final d’une part ; et les restrictions en cours ne vont-elles pas renforcer les positions ultra-dominantes de Google et Facebook ?
La donnée, ce sujet sensible mais qui porte un modèle gratuit
Mettre fin aux cookies tiers n’est pas un sujet nouveau. Cette année, il est d’autant plus important qu’au 31 mars, la directive e-Privacy entrera en jeu.
Récolter le consentement de l’internaute avant de pouvoir déposer un cookie de traçage sera désormais la norme.
Le ciblage publicitaire est un sujet délicat, redouté par le consommateur qui le considère comme trop intrusif.
Google vient d’ailleurs de confirmer qu’il testerait prochainement une nouvelle solution basée sur des groupes d’audiences et non plus sur l’individu.
Vie privée et navigation sur internet forment un duo sensible…
On aurait pourtant tendance à oublier que le tracking publicitaire a un enjeu économique : mieux cibler les internautes avec des publicités qui les intéressent, c’est améliorer l’efficacité économique de la publicité.
Et moins de coûts publicitaires se traduit par des prix moins chers pour le consommateur, qui paie in fine indirectement la publicité.
Les consommateurs l’auront-ils en tête lorsqu’ils refuseront les cookies de traçage après le 31 mars ? Sans doute que non. Mais je ne crois pas non plus qu’ils apprécieront de recevoir des publicités qui ne correspondent en rien à leur profil.
Et quel modèle économique les sites ou applications qui fonctionnaient gratuitement grâce à des publicités ciblées vont-ils mettre en place ?
In fine, n’est-ce pas le consommateur qui risque de mettre la main à la poche ?
L’hégémonie de Google et Facebook
Autre point essentiel, le duopole Google/Facebook devrait être renforcé par ce nouveau modèle.
En 2020, le social et le search, détenus respectivement par Facebook (à 65%) et Google (à 90%) ont représenté 78% de la publicité digitale*.
La suppression des cookies ne fera que renforcer leur position dominante dans cet écosystème.
Plus la donnée se fera rare, plus la capacité de ciblage de Google et Facebook par rapport aux autres acteurs du digital leur donnera un avantage compétitif.
En 2021, le géant du search devrait s’arroger 30% du marché mondial de la publicité en ligne, un chiffre qui ne cesse de croître année après année…
D’un ciblage individuel à un ciblage contextuel
Continuer à faire du ciblage dans cet environnement est l’enjeu principal de cette année pour les acteurs du marketing digital.
Avec la nouvelle réglementation, la baisse de récolte des données est estimée entre 40% et 60%.
Chez ESV Digital, nous travaillons au développement de nouvelles technologies et de solutions pour accompagner nos clients notamment dans l’amélioration du taux de consentement.
Il faut également varier les solutions autres que Google Analytics pour capter un maximum de données in fine.
Nous pensons notamment à AT Internet, qui à date dispose d’une exemption de consentement de la CNIL.
En ce qui concerne le ciblage, le contextuel va revenir en force sur le marché, toutes les régies Display se sont en effet mises à adopter ou développer des solutions permettant de créer des cohortes selon le contenu des sites/articles, permettant ainsi un ciblage indirect mais qualifié d’audiences prédéfinies.
Le ciblage cookies continuera cependant d’être possible et pertinent, car certains datas providers ont doublé leur nombre de connexions au site depuis quelques mois déjà pour pallier à la baisse attendue.
* 25ème observatoire de l’e-pub, 2021