A l’ère du digital first, personnaliser l’expérience client en ligne est devenu une priorité stratégique pour de nombreuses marques. Pourtant, ce que l’on appelle souvent « personnalisation » se limite en réalité à une segmentation soignée.
Or, une véritable personnalisation va bien au-delà : elle implique de créer un lien émotionnel authentique avec l’utilisateur.
Et si l’objectif n’était pas d’atteindre une personnalisation parfaite, mais plutôt de cultiver un sentiment de familiarité ?
Car au fond, ce que les clients recherchent, ce n’est pas une expérience exceptionnelle à tout prix, mais une expérience qu’ils reconnaissent et dans laquelle ils se sentent à l’aise.
Par Jérémy Grinbaum, Vice-Président Europe du Sud chez Amplitude
La personnalisation : un objectif encore hors de portée
Soyons honnêtes : personne n’a encore réellement réussi à atteindre la promesse d’une personnalisation à grande échelle. Les outils sont là, les données aussi, mais la cohérence et la pertinence restent largement absentes des expériences digitales.
Selon Gartner, 63 % des marketeurs reconnaissent échouer dans leur stratégie de personnalisation. Pourquoi ? Parce que nous confondons souvent « data-driven » et « human-driven », automatisation et authenticité.
Les secteurs en contact direct avec leurs clients, comme l’hôtellerie ou la restauration, ont une longueur d’avance. L’humain y reste central.
En revanche, dans les industries tech, où les interactions sont majoritairement digitales, recréer cette proximité est un défi complexe. Pour ces entreprises, la personnalisation passera nécessairement par un nouveau levier : la familiarité numérique.
La familiarité : clé de la connexion client
Familiarité et personnalisation sont intimement liées. On revient toujours vers ce qui nous est familier.
C’est un principe psychologique bien connu : l’effet de simple exposition (Mere exposure effect en anglais).
Plus nous voyons une marque, plus elle nous devient familière, et donc rassurante.
McDonald’s l’a bien compris en inondant l’espace public de ses arches dorées, bien avant l’ère du digital.
Mais la familiarité ne se limite pas à une exposition répétée. Elle se construit aussi dans la mémoire des expériences passées.
Une expérience positive, unique, qui donne le sentiment d’être reconnu, crée un ancrage émotionnel. C’est cet ancrage qui pousse à revenir, à racheter, à rester fidèle.
Se rapprocher de ses clients, vraiment !
Pour aller au-delà des cohortes et des scores de propension, il faut redonner du sens à l’idée de « connaître son client ».
Burger King UK, par exemple, a constaté que son offre spéciale pour les anniversaires était sous-utilisée.
En analysant les données, l’équipe a réalisé que plus de la moitié des utilisateurs n’avaient tout simplement pas renseigné leur date de naissance dans l’application.
En réponse, elle a lancé une campagne multicanale ciblée et humoristique pour encourager les utilisateurs à la partager. Résultat : une augmentation de 800 % du nombre quotidien de dates d’anniversaire collectées.
Ce type d’interaction va bien au-delà du transactionnel : c’est une attention personnelle, contextuelle, qui renforce le lien émotionnel avec la marque.
Autrement dit, une connaissance intime du client qui nécessite de savoir reconnaître ces moments particuliers qui alimentent la familiarité et pose les fondations d’une personnalisation authentique.
La segmentation comportementale reste pertinente
Faut-il pour autant abandonner la segmentation ? Certainement pas. Elle reste une base précieuse. Mais elle doit évoluer.
Une segmentation fondée uniquement sur des données démographiques est obsolète. Ce qui compte aujourd’hui, c’est le comportement concret, observable, en temps réel.
Prenons l’exemple d’une plateforme SaaS. Pour faire passer les utilisateurs gratuits à une version payante, il est plus efficace d’identifier ceux dont le comportement ressemble à celui de clients qui ont récemment franchi ce cap. Un utilisateur qui tente d’accéder à une fonctionnalité premium ou dont le temps de session explose doit être ciblé différemment. Là encore, il s’agit de détecter les signaux faibles, de comprendre ce qui rend l’expérience familière et donc engageante.
Pour y parvenir, une solution efficace consiste à croiser les données analytiques avec la relecture de session. En combinant insights quantitatifs et qualitatifs, il est possible d’identifier les points de friction ou d’intérêt en temps réel, et d’agir en conséquence.
Contextualiser en temps réel
Un autre levier souvent sous-exploité est le ciblage contextuel. Ce que vivent les utilisateurs au moment précis de l’interaction compte autant que leur historique. La géolocalisation, le moment de la journée, un événement en cours : tout cela peut enrichir l’expérience de façon décisive.
Certaines marques l’ont bien compris et sont capables d’adapter leurs communications toutes les heures en fonction du contexte spécifique dans chaque région.
Par exemple, une marque de beauté en ligne pourra activer des campagnes spécifiques pour des produits solaires dès les premiers beaux jours, uniquement dans les zones concernées.
Un site de paris sportifs, quant à lui, peut envoyer une offre ciblée en fonction du match en cours, de l’équipe préférée de l’utilisateur ou du score en direct.
Ce niveau de personnalisation en temps réel ne relève pas de la science-fiction : il repose sur des données déjà disponibles. Et il montre qu’au-delà de la data froide, c’est l’attention portée à l’instant vécu qui crée une expérience réellement personnelle et vivante.
Ne sacrifions pas l’authenticité sur l’autel de l’IA
L’intelligence artificielle a révolutionné les outils des marketeurs. Elle permet de prédire, segmenter, personnaliser à une échelle jusque-là inatteignable.
Mais attention à l’excès. Trop d’automatisation tue l’empathie. Trop d’IA rend les interactions froides, génériques, impersonnelles.
L’authenticité ne peut pas être déléguée à une machine. C’est dans les nuances, dans le non-dit, dans les attentions simples que naît le sentiment de considération.
L’IA doit être une aide discrète, un support invisible qui fluidifie l’expérience sans l’envahir. Elle est un outil de guidance, pas un substitut à l’intuition humaine.
Mieux vaut, par exemple, travailler des descriptions produits centrées sur l’utilisateur, ses besoins et ses émotions, que vanter à tout prix l’intégration d’une technologie avancée.
La familiarité comme exigence nouvelle
La personnalisation ne sera jamais efficace si elle n’est pas ressentie comme sincère. Et pour cela, la familiarité est indispensable. Elle est la condition sine qua non d’un lien de confiance durable. C’est en rendant les expériences plus familières, et donc plus humaines, que les marques sortiront du lot.
Les entreprises qui réussiront seront celles qui connaissent leurs clients au-delà des données, qui s’appuient sur la segmentation comportementale et sur l’IA à bon escient, tout en préservant la part d’empathie humaine qui fait toute la différence.
Parce que la personnalisation, au fond, n’est qu’un autre mot pour parler de relations durables. Et toute relation commence par un sentiment familier.
