Par Michael Froment, Directeur et Co-fondateur de Commanders Act
Se risquer aux jeux des prédictions pour 2021 alors que 2020 s’est caractérisée en premier lieu par son imprévisibilité représente un exercice délicat.
Cela dit, sur nos terrains de jeu, ceux du marketing et de l’adtech, les chantiers à venir se dessinent suffisamment bien pour que l’on se livre à l’exercice.
Dans quel environnement allons-nous travailler dans les mois à venir ? Avec quel impact sur nos audiences et notre écosystème ? Voire, sur nos compétences ?
Quelques réponses…
Un environnement technico-réglementaire en pleine mutation
La transformation de notre environnement technico-réglementaire s’est bien accélérée en 2020.
Comme on ne connait pas encore le dispositif qui prendra le relai des cookies, l’histoire est loin d’être finie, mais 2021 sera l’année durant laquelle il va nous falloir travailler autrement, et ce pour plusieurs raisons :
#1 – Les cookies tiers sont de plus en plus filtrés par les navigateurs.
Apple avait ouvert le bal avec ITP (Intelligent Tracking Prevention), Google promet d’éradiquer ces cookies tiers de Chrome dès 2022.
#2 – Les modalités se précisent pour la gestion des consentements.
Entre le TCF v2 de l’IAB et les directives de la CNIL applicable au 31 mars 2021, le premier trimestre 2021 sera celui des campagnes de tests pour optimiser les taux de consentement.
#3 – Tout en s’appliquant à collecter au mieux ces consentements, les marques, soutenues par les acteurs de l’adtech, vont s’essayer à d’autres techniques de tracking comme le server-side.
#4 – Les GAFAs de leur côté définissent de nouvelles règles du jeu.
Le fameux pixel Facebook est condamné à s’effacer devant la nouvelle API Conversion (similaire à une technique dite server-side).
Apple va imposer sa propre popin de collecte de consentement à toutes les apps qui voudraient utiliser son identifiant IDFA.
Quant à Google, il prépare à travers son projet Privacy Sandbox de nouvelles méthodes pour concilier les enjeux de la privacy avec ceux de la publicité digitale…
On peut donc légitimement se demander jusqu’à quel point notre relation avec nos audiences va-t-elle être affectée ?
Un contrat marque-audience à reformuler
Cette question en cache en fait plusieurs : comment convaincre nos audiences de nous donner leur consentement pour assurer la collecte des données ?
Et si nous souhaitons mettre en place un login pour tenter de contrebalancer la perte de tracking via les cookies tiers, comment motiver ce login ?
On le voit bien, ces questions pointent toutes vers un même sujet : le contrat entre les marques et les audiences.
Un contrat que les équipes marketing doivent reprendre en main pour mieux le reformuler.
Ce sera le gros effort à fournir en 2021.
Jusqu’à maintenant, ce contrat a été traité sous un angle avant tout technico-juridique et souvent délégué au service juridique. Cette époque est révolue.
La collecte des données est au croisement de nombreux enjeux : ce contrat ne questionne pas seulement la conformité réglementaire, mais aussi la brand equity (la valeur d’une marque aux yeux de ses publics) et tout ce qui en découle.
Promesse de marque, service apporté à l’audience, stratégie de contenu et, en retour, connaissance de l’audience… Nous sommes loin du juridique.
Voilà pourquoi le marketing doit se réapproprier le consentement, le traduire sous la forme d’une gestion des préférences relationnelles entre la marque et son public.
C’est le capital confiance de la marque qui se joue ici…
Des compétences à construire
L’évolution de l’environnement digital et la gestion des consentements peuvent représenter pour les marques une impasse ou… une formidable opportunité.
Certaines marques continueront de gérer ces enjeux comme des sujets techniques et réglementaires. D’autres les saisiront, déploieront les efforts nécessaires pour se réapproprier ces sujets et mieux revenir aux fondamentaux du marketing.
De quels efforts parlons-nous ici ? Probablement d’une mise à jour des compétences.
La tension est double sur les compétences. Elles sont appelées à se spécialiser, car sur de nombreux sujets la technicité se fait plus forte.
Et, en même temps, il importe de cultiver une capacité à garder une vue transverse et globale des enjeux, à hauteur de la marque et des publics.
Cela ne peut se faire entre les lignes du quotidien. Travailler cette compétence, cette capacité à maîtriser la technicité des sujets comme à saisir le sens global de l’histoire représente un projet d’équipe à part entière.
Des coopérations à inventer.
Pour terminer ce tableau de l’année à venir, évoquons la coopération.
Celle qui peut voir des acteurs d’un marché mettre en commun des services comme des données pour mieux servir leurs audiences.
La crise a révélé à quel point nous sommes fragiles, car interdépendants.
Cela peut aussi fonctionner dans l’autre sens : nous pouvons être forts par la coopération et, notamment, face aux jardins clos des GAFAs. D’autant que ces derniers nous demandent de plus en plus de faire confiance à leurs algorithmes de prédiction et aux automatismes qui vont avec.
Comment créer une alternative ?
Sans doute pas en attendant la création d’un grand acteur européen. Mais plutôt en comptant sur un maillage de coopérations qui associent les marques, mais aussi les « vendors » de notre écosystème.
Nouveau contrat entre marques et audiences, nouvelles coopérations, nouvelles compétences… Faisons de l’année 2021 l’année des nouvelles voies…