Qu’il s’agisse de SaaS ou plus largement d’entreprises digital natives, pour qui l’expérience numérique est le cœur de la relation client, le produit n’est plus seulement un service : il est devenu le premier canal de croissance.
Ce modèle, le Product-Led Growth (PLG), repose sur une idée simple : convaincre par l’usage.
Un onboarding fluide, une expérience personnalisée, une rétention forte créent plus de valeur que n’importe quelle campagne de notoriété.
Mais ce modèle impose une discipline : l’expérimentation continue.
Car si le produit est le moteur de la croissance, chaque hypothèse d’amélioration doit être mesurée, testée et documentée.
Dans ce contexte, l’IA générative joue un rôle paradoxal : en multipliant les variantes possibles (textes, visuels, interfaces), elle ouvre de nouvelles opportunités mais rend l’arbitrage encore plus complexe.
Plus que jamais, seule l’expérimentation permet de distinguer l’illusion de la preuve.
Par Jérémy Grinbaum, VP Europe du sud chez Amplitude
Quand l’expérimentation est en self-service
Pendant longtemps, tester une variation de page web ou un nouveau message impliquait presque toujours les équipes techniques.
Le temps de créer un ticket, d’attendre un développement, de vérifier que la modification n’impacte pas le reste du site… l’agilité s’évaporait.
Ce verrou a sauté. Les outils modernes d’expérimentation web offrent désormais aux marketeurs une autonomie inédite : déplacer un bloc, insérer une bannière, tester un call-to-action se fait en quelques minutes, grâce à des interfaces visuelles, sans écrire une seule ligne de code.
Dans un contexte où les budgets sont scrutés et où chaque initiative doit prouver son impact et sa rentabilité, cette capacité change la donne. Elle permet aux équipes marketing de transformer une intuition en preuve, sans dépendre des cycles de développement.
De la donnée brute à la décision
L’autre grande évolution tient à l’intégration. L’expérimentation n’est plus un module isolé qu’il faut raccorder à des outils tiers.
Reliée nativement aux solutions d’analytics, aux replays de sessions et aux enquêtes utilisateurs, elle s’inscrit désormais dans une boucle continue : observer un comportement, formuler une hypothèse, lancer une variation, mesurer son impact, comprendre les résultats et en tirer des enseignements.
Un changement majeur dans la façon de décider. Là où l’on se contentait hier d’un taux de clic, on peut aujourd’hui évaluer l’effet d’un test sur l’ensemble du parcours, comprendre les motivations des utilisateurs et arbitrer en fonction d’indicateurs business tangibles comme la conversion ou la rétention.
Un besoin essentiel, quand on sait que plus de 70 % des Français déclarent qu’ils abandonneraient une marque après une mauvaise expérience digitale.
Le groupe média A+E Networks en a fait l’expérience pour renforcer l’engagement de ses spectateurs.
Il a testé deux variantes de placement de la liste « Reprendre la lecture » sur sa page d’accueil : l’une mettait la fonctionnalité en avant, l’autre la reléguait plus bas.
Résultat : la première option s’est révélée 250 fois plus efficace que l’autre pour inciter les spectateurs à poursuivre leur visionnage.
Ce test illustre combien des ajustements simples, validés par l’expérimentation, peuvent avoir un impact énorme sur l’expérience utilisateur et la performance business.
Construire une culture de l’expérimentation
Des outils avancés ne suffisent pas. L’expérimentation n’a d’impact réel que lorsqu’elle devient une pratique collective et ancrée dans la culture d’entreprise.
Quatre leviers sont essentiels pour y parvenir :
- Croiser données et feedback.
Les chiffres révèlent ce qui se passe, mais ils ne disent rien des motivations profondes. Un test qui augmente le taux de clics n’a de valeur que si l’on comprend aussi pourquoi les utilisateurs réagissent ainsi. Croiser l’analyse quantitative avec des retours qualitatifs (enquêtes, verbatims, entretiens) évite les contresens. - Travailler en transversalité :
Les hypothèses pertinentes ne viennent pas seulement du marketing. Les équipes produit voient les points de friction, le support client capte les frustrations, les commerciaux repèrent les objections. C’est en combinant ces regards que l’expérimentation gagne en pertinence et en efficacité. - Documenter pour capitaliser :
Trop d’organisations refont sans cesse les mêmes tests faute d’un historique commun. Chaque expérience doit être consignée : hypothèse de départ, protocole, résultats, décision. Ce corpus devient une bibliothèque évolutive qui crédibilise les choix et accélère les arbitrages futurs. - Commencer petit :
Inutile de lancer d’emblée un programme massif. Les programmes qui réussissent débutent par des tests simples et ciblés, prouvent rapidement leur valeur, puis montent en puissance. La progressivité installe la confiance et ouvre la voie à une adoption durable.
Expérimenter à grande échelle grâce à l’IA
L’IA ne se limite pas à produire des variantes de contenus. Avec les agents, les équipes marketing peuvent fixer un objectif (améliorer la rétention, optimiser la conversion, etc.) et déléguer une partie du travail.
Les agents détectent les anomalies, génèrent des hypothèses, suggèrent de nouveaux tests et en mesurent l’impact, en parallèle des opérations stratégiques.
L’expérimentation passe ainsi d’un modèle linéaire à une approche dynamique et multitâche. Ce qui demandait auparavant des jours ou des semaines, devient un flux continu qui accélère le passage de l’insight à l’action.
Les marketeurs peuvent ainsi se concentrer sur la stratégie et la créativité, pendant que l’IA automatise et orchestre l’exécution.
Pour les équipes marketing, c’est à la fois une évolution culturelle et technologique. Le code n’est plus un frein. La compétence clé à développer est ailleurs : tester vite, documenter soigneusement, partager largement et décider sur la base de preuves.
Dans un marché tendu, l’expérimentation n’est plus un luxe : c’est la clé d’un marketing crédible en interne, pertinent pour les clients et moteur de croissance.