Alors que les entreprises multiplient les dispositifs pour recueillir les retours de leurs clients et mieux comprendre leurs attentes, elles font face à un basculement majeur dans la façon dont ces derniers s’expriment.
Selon les dernières tendances de l’expérience client publiées par Qualtrics, seuls 29 % des clients font aujourd’hui part de leur insatisfaction directement à une marque – via un questionnaire, un formulaire ou un échange avec le service client – contre 37 % en 2021.
Autrement dit, les entreprises qui s’en tiennent encore aux enquêtes et aux canaux de feedback traditionnels passent à côté de plus des deux tiers de ce que leurs clients ressentent réellement.
Par Manisha Power, Head of Products, Qualtrics
L’ère du silence client : entendre ce qui ne se dit plus
Les marques étaient autrefois alertées dès qu’un problème survenait. Ce réflexe disparaît.
Après une mauvaise expérience, 30 % des consommateurs ne signalent désormais plus rien, ni à la marque, ni à leur entourage – soit une hausse de plus de six points depuis 2021.
Même après une expérience positive, un quart des clients restent silencieux, en progression de quatre points sur la même période.
Le bouche-à-oreille, longtemps considéré comme le baromètre le plus fiable de la satisfaction client, s’essouffle lui aussi.
Le nombre de consommateurs partageant spontanément leur expérience, qu’elle soit favorable ou non, recule de près de quatre points depuis 2021.
Ce désengagement traduit une transformation profonde.
Beaucoup de clients doutent que leur avis soit réellement pris en compte, s’inquiètent de l’usage de leurs données personnelles, ou se détachent d’une relation devenue plus transactionnelle dans un univers numérique où tout est accessible en quelques clics.
Résultat : lorsqu’ils sont déçus, ils ne prennent plus la peine de se plaindre, ils partent…
Un feedback de plus en plus fragmenté
Lorsqu’un client partage encore un retour, il ne le fait plus nécessairement via les canaux prévus par la marque, ce qui rend le feedback dispersé et difficile à capter.
Les retours via les sites web ont bondi de 10 points depuis 2021 pour les expériences positives, sous l’effet des widgets de feedback, pop-ups ou formulaires instantanés.
À l’inverse, les retours négatifs par e-mail direct ont progressé de 9 points, signe que les clients préfèrent écrire spontanément plutôt que de remplir une enquête.
Les retours client s’éparpillent désormais entre des logs de chat, des échanges de mails, des avis publics, des mentions sur les réseaux sociaux ou des formulaires anonymes.
Les entreprises qui s’en tiennent à l’enquête classique n’entendent plus qu’une partie de ce que leurs clients expriment…souvent trop tard.
Vers des boucles de feedback autonomes et intelligentes
L’avenir de l’expérience client ne repose plus sur une sollicitation accrue, mais sur une écoute intégrée et continue.
Les nouvelles boucles de feedback, pilotées par l’IA, rendent la démarche presque invisible pour le client : elles détectent les émotions, posent automatiquement les bonnes questions de suivi et déclenchent les actions correctives, sans intervention humaine systématique.
Cette évolution est déjà amorcée. Les enquêtes deviennent intelligentes : ajustées en temps réel par l’IA, elles clarifient une réponse ambiguë, adaptent le ton, envoient la relance au bon moment et obtiennent des insights plus riches sans alourdir l’expérience.
Surtout, l’IA ne se limite plus à écouter ce que les clients disent : elle observe ce qu’ils font. En croisant comportements d’achat, usages, abandons de panier, désengagement progressif ou signaux issus des canaux numériques, elle identifie les clients à risque avant même qu’ils ne se plaignent.
Les entreprises capables de capter ces signaux faibles prennent un avantage décisif : elles lisent le ressenti client en temps réel, corrigent plus vite et agissent au bon moment, pendant que les autres réagissent encore sur des données incomplètes et différées.
Le déclin du feedback direct n’est pas un phénomène conjoncturel, mais un changement structurel dans la manière dont les consommateurs interagissent avec les marques.
Celles qui continuent de s’appuyer uniquement sur des formulaires et enquêtes post-interaction pilotent à vue, avec une image partielle et dépassée de leurs clients.
Pour rester compétitives, les entreprises doivent apprendre à écouter différemment : capter les signaux diffus, les relier entre eux et s’appuyer sur les outils d’analyse les plus avancés pour comprendre ce que les clients expriment, même lorsqu’ils se taisent.