L’actualité de ces derniers jours a remis en lumière les enjeux liés aux réseaux sociaux, et notamment leurs impacts sur les plus jeunes.
Emmanuel Macron, dans son discours de la Sorbonne sur l’Europe du 25 avril, a repris l’idée d’une majorité numérique à 15 ans.
Le rapport de la Commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, publié le 30 avril, a préconisé une approche très restrictive de l’accès aux réseaux sociaux et aux téléphones portables, dénonçant le développement rapide de dispositifs fortement addictifs.
Mais qu’en pensent les Français ? Quelle vision ont-ils aujourd’hui des réseaux sociaux et sont-ils prêts à plus de régulation, voire d’interdictions ?
Un sondage exclusif du think tank Destin Commun, réalisé en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Etats-Unis, révèle que les Français de toutes sensibilités politiques sont très conscients des dangers et demandeurs de mesures contraignantes pour protéger les jeunes…
80% des Français jugent les réseaux sociaux dangereux pour les enfants
Seuls 18% des Français considèrent que “les réseaux sociaux sont une bonne chose pour la société en général”, tandis que 36% jugent qu’ils sont “une mauvaise chose”.
1 Français sur 2 (50%) déclare qu’il préfèrerait “vivre dans un monde où les réseaux sociaux n’auraient jamais été inventés”, une proportion plus importante qu’au Royaume-Uni (42%), en Allemagne (37%), et aux Etats-Unis (34%).
La préoccupation quant aux conséquences des réseaux sociaux sur les enfants est unanime : 8 Français sur 10 considèrent que “les réseaux sociaux sont un lieu dangereux pour nos enfants”.
Des quatre pays interrogés, les Français sont ceux qui expriment la perception la plus forte à propos des conséquences négatives sur les enfants.
Concernant les préoccupations pour les plus jeunes, trois types de risques se dessinent, par ordre d’importance pour les Français :
- Nettement en tête, la sécurité et l’intégrité des enfants (harcèlement, prédation sexuelle, contenus violents ou pornographiques)
- Ensuite le risque de manipulation (arnaques, désinformation, radicalisation)
- Et dans une moindre mesure, la santé mentale et les facultés cognitives.
Réseaux sociaux : un risque pour la société et la démocratie
Au-delà de l’impact sur les plus jeunes, les Français sont très majoritairement conscients des risques que font peser les réseaux sociaux sur la société en général :
- 7 Français sur 10 (71%) considèrent que “les réseaux sociaux sont un lieu où les points de vue les plus extrêmes prennent trop de place« . Une perception en croissance de 7 points depuis décembre 2021.
- 1 Français sur 2 considère aujourd’hui que “les réseaux sociaux sont une menace pour le bon fonctionnement de la démocratie”. Là encore, cette opinion gagne du terrain depuis décembre 2021 (+ 5 points).
“Un consensus se dessine dans l’opinion française sur les risques inhérents aux réseaux sociaux, pour les jeunes mais aussi pour la démocratie. Dans un contexte de fort sentiment de dépossession et d’impuissance, la demande de régulation qui s’exprime dans une rare convergence transpartisane manifeste le désir des Français de reprendre le contrôle sur leur vie numérique.”
Laurence de Nervaux, directrice de Destin Commun.
TikTok, le réseau social le plus critiqué par les Français
Interrogés sur l’impact positif ou négatif de différentes plateformes (9 au total), les Français attribuent à TikTok le rôle le plus négatif :
- 6 Français sur 10 (59%) déclarent qu’ils préfèreraient “vivre dans un monde où TikTok n’aurait jamais été inventé”. Si les jeunes sont les moins critiques, ce sont tout de même 46% des 18-24 ans qui sont d’accord avec cette affirmation. WhatsApp et Youtube, en revanche, sont perçus positivement.
- La moitié des Français (49%) soutiendraient une mesure visant à supprimer totalement TikTok, contre seulement un tiers des Américains.
Un appel à plus de régulation des réseaux
Cette reconnaissance des dangers des réseaux sociaux s’accompagne d’un désir très majoritaire de voir les pouvoirs publics renforcer le contrôle des réseaux sociaux : 57% des Français considèrent que le gouvernement n’en fait pas assez en la matière.
Un consensus se dessine en faveur de mesures fortes de régulation, voire d’interdiction :
- Sur la pornographie : 84% des Français sont en faveur d’un renforcement des limites d’âge pour l’accès à des sites pornographiques, et 64% seraient même pour interdire totalement les sites pornographiques (77% des femmes contre seulement 50% des hommes).
- Sur un âge limite pour accéder aux réseaux sociaux, l’opinion soutient donc largement l’idée d’une majorité numérique à 15 ans, introduite dans la loi de juillet 2023 et reprise par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne : 75% des Français se déclarent favorables à l’interdiction pour les plateformes d’ouvrir des comptes aux moins de 15 ans. 57% souhaiteraient même les interdire aux moins de 18 ans, conformément aux recommandations de la Commission sur l’exposition des jeunes aux écrans.
- Le contrôle de l’identité de tous les usagers ne semble pas être un frein : 71% des Français se déclarent d’accord avec une vérification de l’âge pour l’ouverture d’un compte sur un réseau social, via le partage d’une copie de leur pièce d’identité.
- Sur l’accès aux smartphones : 72% des Français sont favorables à l’interdiction de la vente de smartphones aux enfants de moins de 12 ans, et 52% aux enfants de moins de 15 ans, rejoignant ici encore les recommandations de la Commission d’experts sur les écrans.
L’action des pouvoirs publics est ainsi très majoritairement sollicitée par les Français, plus encore que dans les autres pays enquêtés, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis.
Mais une large majorité reconnaît également la responsabilité des parents, qui sont identifiés, de loin, comme les premiers responsables de la protection des enfants contre les dangers d’internet.
A ce sujet, 54% des parents d’adolescents déclarent avoir des difficultés pour limiter le temps passé par leurs enfants sur leur téléphone.
“Si toute interdiction implique des renoncements, et bien que les solutions techniques restent complexes à mettre en œuvre, il semble que les Français soient mûrs pour un débat visant à déterminer le seuil de contrainte collective qu’ils acceptent pour protéger leurs enfants et leur démocratie, sans pour autant renoncer à l’éducation à la liberté et au respect d’autrui.”
Laurence de Nervaux
Méthodologie :
Enquête en ligne, réalisée en partenariat avec Dynata auprès de 2049 Français âgés de 18 ans et plus entre le 29 avril et le 1er mai 2024, utilisant la méthode des quotas représentatifs en termes sociodémographiques.