Ces dernières années les réflexions autour de l’éthique et de l’utilisation de la donnée ont fait leur grande entrée dans le monde du Big Data.
Il est certain que l’impact de la collecte massive de données et son utilisation est aujourd’hui tout sauf neutre…
Par Manon Philippe, Responsables du programme de conférences de Big Data Paris 2020
Du scandale Cambridge Analytica à la révélation PRISM, les dossiers à charge ont commencé à s’accumuler entraînant une profonde remise en question de l’usage que nous faisons de la donnée.
Il est vrai que les technologies d’Intelligence Artificielle ont fait craindre les pires cauchemars du genre dystopique.
Pourtant les formidables capacités d’analyse et de prédiction que permettent ces technologies peuvent servir de multiples cas d’usage et les causes les plus nobles. Et si le Big Data pouvait aussi faire le bien ?
Retrouver la confiance
Santé, citoyenneté, environnement : la donnée peut également jouer un rôle fondamental dans ces domaines.
En matière de recherche, la profusion de données disponibles a été source de connaissances et de nombreux progrès médicaux. Elle a ouvert de nouvelles perspectives dans l’identification des facteurs à risque, les diagnostics et les soins procurés.
Par exemple, le séquençage ciblé de certains gènes permet de prévoir les traitements les plus efficaces pour soigner les patients tout en évitant les effets secondaires.
La recherche médicale n’a pas été la seule impactée : afin de mieux comprendre les populations d’abeilles le World Bee Project traite plusieurs milliards de lignes de données et met à profit des techniques de deep learning afin d’observer leur comportement.
Le but ? Identifier les dangers qui pèsent sur elles et proposer une base au travail d’analyse des scientifiques(1).
Partout des communautés, des rassemblements émergent pour mettre la donnée au service de l’intérêt général. Data for good, réunit tous les acteurs de la filière voulant répondre à ces défis sociétaux de manière concrète(2).
Elle reconnaît la data science comme un puissant levier d’innovation qui devrait pouvoir être mis au service des ONG au même titre qu’aux géants du numérique.
L’humanitaire et les organismes publics n’ont donc pas fait exception à la « folie » du Big Data.
Le projet OPAL, financé par l’AFD a par exemple mis en place la collecte des données téléphoniques des habitants de pays en développement afin d’établir des indicateurs socio-économiques fiables et de répondre aux besoins des populations en matière d’éducation, de santé, de transports(3) …
Le « Big Data des Territoires » au service de l’économie circulaire ?
Le Big Data fait également sa grande entrée dans les problématiques de gestion de l’espace public, en témoigne l’engouement pour la « Smart city » de demain.
Waze, Fluicity (application de démocratie participative) ; ces plateformes répondent à des défis urbains importants tels que la citoyenneté, l’éco-mobilité ou encore le développement durable et reposent entièrement sur la donnée et la participation du « consommateur/citoyen ».
Les entreprises ont par exemple développé leur offre en matière de Smart Grids et Smart water pour une meilleure gestion des ressources en énergie et en eau.
Grâce à des capteurs, les Smart Grids équilibrent en permanence l’offre et la demande et surtout optimisent en amont la production et le stockage d’énergie.
Suez a ainsi développé « On connect », une solution permettant de traiter les données issues de capteurs situés dans des réseaux d’eau pour une gestion plus durable et écologique de celle-ci(4).
L’optimisation des déchets fait également partie de la feuille de route. Avec Urban Pulse, application créée par Veolia, le citoyen dispose en temps réel de toutes les données relatives aux centres de recyclage, magasins d’occasions et de réparation.
Remises en question écologiques et sociétales
Malgré ces externalités positives, il demeure difficile de mesurer l’impact réel du Big Data sur des objectifs sociétaux et sur la qualité de vie.
Les indicateurs environnementaux, eux, constituent un exemple parlant.
Dans le cas des Smart Grids, comment mesurer à la fois le coût et les bénéfices environnementaux ?
C’est indéniable, la collecte des données a un prix écologique et l’élaboration de chaque dispositif numérique a un impact direct sur l’environnement lié à l’utilisation de ressources non renouvelables.
Les data centers sont à l’origine de 2% des gaz à effets de serre mondiaux (autant que le trafic aérien) !(5)
N’est-il donc pas paradoxal de lutter contre le réchauffement climatique au moyen du Big Data ?
En matière de mobilité, et selon différents scénarios envisagés, l’automatisation des moyens de transport (voiture autonome) pourrait tout aussi bien diviser par deux ou au contraire multiplier par deux la consommation d’énergie(5).
On peut donc légitimement se poser la question de la faisabilité de faire converger transition écologique et transition numérique.
De plus, exploiter la donnée demande des coûts et des compétences qui restent trop peu accessibles pour des organismes non lucratifs.
De leur côté, les collectivités commencent tout juste à s’approprier la donnée : et pour cause, en plus des coûts élevés que cela implique, certaines données publiques demeurent trop souvent la chasse gardée d’entreprises privées bien que la coopération entre acteurs publics et acteurs privés fasse lentement son chemin.
L’open data, le nouveau chantier indispensable pour promouvoir des cas d’usages au service de l’intérêt général ?
Autant de questions qui seront sans doute développées lors de ce salon Big Data Paris 2020
- https://www.lemagit.fr/etude/Deep-Learning-pour-sauver-les-abeilles-le-World-Bee-Project-fait-son-miel-des-donnees
- https://dataforgood.fr/#projects
- https://www.afd.fr/fr/actualites/projet-opal-le-big-data-au-service-du-developpement
- Suez Communication
- IDDRI Etude Numérique et environnement 2018