Depuis quelques années, les French Days ont bien de la peine à convaincre les Français.
Ce qui devait être un temps fort du commerce français, pensé à son instauration comme le pendant hexagonal du Black Friday, souffre aujourd’hui d’un net manque de dynamisme.
Faible visibilité, perte d’identité, incohérences stratégiques : l’événement ne parvient plus à mobiliser les consommateurs.
Le paradoxe est d’autant plus frappant que cette opération, censée soutenir les e-commerçants français, se déroule dans un contexte économique où ce soutien serait plus que jamais nécessaire.
Mais pour jouer ce rôle, encore faut-il que les French Days retrouvent une lisibilité, une cohérence, et surtout… un sens.
Par Rodolphe Oulmi, Directeur général de Webloyalty
Une initiative française qui ne l’est plus vraiment
À l’origine, les French Days étaient portés par des distributeurs français — Fnac-Darty, Boulanger, Cdiscount, La Redoute — avec l’ambition de créer un événement commercial à la fois national et fédérateur. Mais cette ambition s’est progressivement diluée.
Aujourd’hui, des plateformes internationales de premier plan s’invitent dans l’opération. Leur participation, bien que légale, brouille le message initial : celui d’un soutien au commerce français.
Pire encore, les produits mis en avant par les enseignes françaises elles-mêmes sont souvent issus de marques étrangères, parfois très éloignées des préoccupations locales.
Promouvoir des produits non français pendant les French Days, c’est passer à côté de l’opportunité de valoriser le savoir-faire français.
Ce double paradoxe — des distributeurs non français et des produits non français — rend l’événement difficilement lisible pour le consommateur.
Et cela interroge : que reste-t-il de « French » dans les French Days ?
Une visibilité en berne
Le manque de visibilité est sans doute l’un des symptômes les plus criants du déclin des French Days.
Contrairement au Black Friday, qui bénéficie d’une anticipation forte et d’une couverture médiatique massive, les French Days peinent à exister dans l’espace public.
Les médias en parlent peu, les enseignes communiquent de manière dispersée, et l’événement ne bénéficie d’aucune campagne nationale structurée.
Résultat : une opération qui passe sous les radars, sans créer d’attente ni d’engouement. Le consommateur ne sait ni quand cela commence, ni ce qu’il est censé y trouver.
Un timing mal calibré
Autre faiblesse structurelle : le calendrier.
Organisés souvent autour du 25 du mois, les French Days tombent à un moment où les Français sont en tension budgétaire.
Ce positionnement est d’autant plus problématique qu’il ne s’inscrit dans aucun cycle de consommation clair : trop tard pour la rentrée, trop tôt pour Noël, trop éloigné des soldes.
Ce flou temporel empêche l’événement de s’ancrer dans les habitudes d’achat. Il manque un moment propice, une justification saisonnière, une logique de consommation.
À quoi bon proposer des réductions si les ménages n’ont pas les moyens d’en profiter ?
Un nom en anglais, pour une opération censée incarner le commerce français
Enfin, difficile de ne pas évoquer le paradoxe du nom. French Days, en anglais, pour une opération censée valoriser le commerce français.
Ce choix sémantique affaiblit le message, brouille l’identité, et illustre une forme de renoncement culturel.
Il est révélateur d’un événement qui peine à assumer sa singularité, et qui adopte les codes du marketing globalisé sans les adapter à son ambition locale.
Redonner du sens à une opération en perte de repères
Aujourd’hui, les French Days ne sont ni identifiés, ni attendus, ni compris. Ce qui devait être une initiative structurante pour le commerce français s’est transformé en une opération promotionnelle générique, sans ligne directrice, ni ancrage culturel.
Le paradoxe est total : des distributeurs étrangers, des produits non français, un nom en anglais… pour une opération censée incarner le dynamisme du e-commerce hexagonal.
Pour sortir de cette impasse, il ne s’agit pas simplement de mieux communiquer ou de changer les dates.
Il faut repenser l’événement dans son ensemble : lui redonner une identité forte, recentrée sur les acteurs français, valoriser le made in France, clarifier sa promesse commerciale, et surtout, lui offrir une cohérence temporelle et narrative.
Cela pourrait passer par un repositionnement stratégique — pourquoi pas en lien avec des temps forts nationaux comme la rentrée, les fêtes locales ou les périodes de relance du pouvoir d’achat.
Enfin, il est temps d’assumer pleinement l’ambition française de cette opération. Cela commence par le nom.
Car comment espérer incarner une alternative locale au Black Friday si l’on commence par renoncer à sa propre langue ? Redonner du sens aux French Days, c’est aussi leur redonner une voix, une vision, et une raison d’être.